Décryptage de la semaine
Ne reculant jamais devant les tâches sans fin, O’Parleur s’attaque aujourd’hui au tonneau des Danaïdes. Explication dans un décryptage qui remplit… son devoir !
Le tonneau des Danaïdes : un mythe aux sources… presque taries
Les Danaïdes (en grec ancien Δαναΐδες / Danaídes) sont, dans la mythologie grecque, les cinquante filles du roi Danaos[1].
Le mythe des Danaïdes remonte probablement au Catalogue des femmes du pseudo-Hésiode, vers le dernier quart du VIIe siècle av. J.-C.[2]

Il figure également dans une épopée entière, la Danaïs… aujourd’hui perdue[3]. Phrynichos[4] est l’auteur de deux tragédies, Les Égyptiens et Les Danaïdes, dont il ne reste qu’un court extrait[5].
La version du mythe telle que nous la connaissons est principalement issue de la tétralogie d’Eschyle : Les Suppliantes, Les Égyptiens, Les Danaïdes et Amymoné.
Une famille formidable ?
Les Danaïdes descendent d’une illustre lignée. Il y a d’abord le roi Bélos, souverain de Chemmis en Haute-Égypte, fils de Libye et de Poséidon et frère jumeau d’Agénor. Son épouse Anchinoé, fille de Nilos, lui donne trois enfants :
- Égyptos (Αἴγυπτος / Aíguptos). Il est gouverneur du royaume d’Arabie.
- Son frère jumeau Danaos (Δαναός / Danaós). Il règne sur la Lybie[6].
- Et Céphée, roi des Éthiopiens[7].
À la mort de Bélos, un conflit éclate entre les jumeaux. En effet, Égyptos s’empare du pays des Mélampodes, qu’il rebaptise d’après son nom : l’Égypte.
Il ne compte pas s’arrêter là. La Lybie serait une belle addition à son nouveau royaume…
Cinquante gars, cinquante filles
Égyptos a cinquante fils de différents lits (les Égyptides), tout comme Danaos a cinquante filles (inutile de vous rappeler leur nom). Dans un geste de conciliation, il propose une union entre ses fils et les Danaïdes.

Mais Danaos craint qu’il ne s’agisse d’un piège tendu par son frère pour les éliminer lui et ses filles. Un oracle lui confirme d’ailleurs que les Égyptides tueront ses filles.
Avec l’aide d’Athéna, il construit un navire et s’exile donc à Argos avec sa famille.

Arrivé à Argos, Danaos s’autoproclame roi. Gélanor, le souverain des lieux, préfère abdiquer suite à un mauvais présage et laisse son trône au nouvel arrivant.

Sous le règne de Danaos, Argos prospère. Mais Égyptos ne compte pas en rester là et envoie ses fils à Argos, leur interdisant de revenir sans avoir vengé l’affront commis par Danaos en fuyant.
A leur arrivée, ils demandent à leur oncle de revenir sur sa décision et de leur permettre d’épouser ses filles. Nouveau refus de la part de Danaos. Ils mettent donc le siège devant Argos. Sachant la capitulation inévitable, le souverain promet de donner ses filles aux Égyptides dès que le siège sera levé.
50 mariages et 49 enterrements…
On organise alors un grand mariage. Mais le soir des noces, craignant toujours la prédiction de l’oracle, Danaos ordonne à ses filles de cacher dans leurs cheveux une grande épingle. Elles devront percer le cœur de leurs maris dans leur sommeil. Elles s’exécutent toutes…
… sauf une, Hypermnestre, qui épargne son époux Lyncée et l’aide à s’enfuir. En apprenant le trépas de ses fils, Égyptos, très affecté, se retire en Achaïe où il finira ses jours. Lyncée revient plus tard venger ses frères, en tuant les sœurs coupables ainsi que Danaos. Il règne alors sur Argos avec Hypermnestre.
Quant aux Danaïdes, elles se retrouvent en Enfer où elles ont pour châtiment de remplir éternellement d’eau un tonneau percé.

Comme Lune de Miel, on a connu mieux !
Le tonneau des Danaïdes aujourd’hui
Ce châtiment est resté célèbre avec l’expression du « tonneau des Danaïdes » qui désigne une tâche absurde, sans fin ou impossible.
Le mot a été introduit en français par allusion à ce mythe, dans l’expression bussart (« tonneau ») des Danaïdes (1546), avant de prendre sa forme moderne (1840). Plus surprenant, il est passé ultérieurement dans l’usage technique comme nom d’une roue hydraulique (1857)[9].
À l’issue de ce décryptage, nous vous souhaitons un excellent week-end. Et si, par hasard, vous aviez des événements familiaux, mariage ou autre, nous vous recommandons d’opter pour un verre de l’amitié plutôt que pour un certain tonneau…
Hannibal LECTEUR, On se lève tous pour Danaos !
En bonus : Le Tonneau des Danaïdes 🎥 Georges Méliès (1900)
Le « Red Wedding » de Games of Thrones n’a rien inventé !
Notes et références – Tonneau des Danaïdes
[1] Danaïdes, nom féminin, est emprunté (1546) au latin impérial Danaïdes, pluriel qui transcrit le grec ancien Δαναΐδες / Danaídes « filles de Danaos ».
[2] Il est difficile de dater sa création avec précision. En effet, comme souvent avec les textes issus de tradition orale, il s’écoule une longue période entre les premières « ébauches » et la version « finalisée ». Le Catalogue aurait ainsi été composé vers 700 av. J.-C. mais n’a été fixé à l’écrit que vers 550 av. J.-C.
[3] Seul un fragment montre les Danaïdes s’armant sur les bords du Nil, probablement pour combattre leurs cousins.
[4] Phrynichos le Tragique (vers -540 – vers -470), parfois considéré comme le réel fondateur de la tragédie.
[5] Le seul passage conservé montre Égyptos venant à Argos avec ses fils.
[6] Hécatée de Milet attribue à Danaos l’invention de l’écriture grecque. Cependant, aucune preuve historique ne vient attester cette paternité.
[7] Marié à Cassiopée, il a pour fille Andromède.
[8] Source : Mythologica.fr.
[9] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.
Retrouvez notre précédent Décryptage → Copain comme cochon