Décryptage de la semaine
O’Parleur poursuit ses vacances estivales ET sportives avec l’origine du mot surf. Explication dans un décryptage un peu vague mais qui a du pain sur la planche (NDLR : « On touche la lame de fond, là… »).
Touche pas à mon spot !
Surf, nom masculin, est l’abréviation (1952) de l’anglais surf-riding (1926), qui signifie « monter les vagues déferlantes »[1].
Le terme désigne le sport de glisse pratiqué au bord de l’océan. Notons qu’en anglais, surf désigne uniquement les vagues déferlantes, l’activité étant elle désignée sous le nom verbal surfing.
Le surf se pratique sur des sites spécialisés, baptisés « spots ». Ce sont les plages baignées par des vagues de taille variable et propices à la glisse. Le pratiquant de ce sport est le surfeur ou surfer. Les plus francophones iront jusqu’à le baptiser aquaplanchiste (2008)[2]. Dans tous les cas, ces termes s’appliquent sans distinction de niveau ni de type de pratique.

Le terme « surf » désigne aussi des sports de glisse non aquatiques, comme le snowboard ou « surf des neiges ».
Gare aux écarts de températures !
A tchic a tchic a tchic… à Hawaï !
Quand on évoque le surf, on pense forcément à Nice Hawaï. D’ailleurs, la plus ancienne planche connue (XIVe siècle)[3] a été découverte en 1905 à Ko’Okena, à l’intérieur d’un tombeau.

Même si les chercheurs s’accordent sur le fait que les « sports de glisse » aquatiques existaient dans d’autres zones géographiques[4], Hawaï a contribué au rayonnement et à l’expansion du surf et sa pratique fait partie inhérente de la culture hawaïenne traditionnelle.

C’est autant un sport qui permet de dévoiler ses prouesses physiques qu’une activité sociale et culturelle (comprendre : religieuse).
Les surfeurs traditionnels pratiquent majoritairement sur des planches courtes nommées alaia, en position couchée ou à genoux.

Les chefs se distinguent socialement par la possession des très longues planches olo. Leur construction est couteuse et ritualisée. Elles peuvent être utilisées pour surfer debout.

Tôt ou tard, le surf devait finir par attirer l’attention des occidentaux.
Occident de la mer
En Occident, les premiers récits sur la pratique du surf à Tahiti et Hawaï datent du XVIIIe siècle. Nous les devons à Samuel Wallis et à l’équipage du Dolphin, premiers explorateurs à fouler Tahiti en 1767.

Ils sont suivis, en 1769, des récits de Joseph Banks, botaniste embarqué sur le HMS Endeavour de James Cook. Toujours sur l’Endeavour, le lieutenant James King mentionnera le surf en complétant les mémoires posthumes de Cook en 1779. En 1788, James Morrison, un des mutins de la Bounty, décrit de manière similaire la pratique du hōrue à Tahiti :
Pour cet amusement, ils prennent une planche d’une longueur variable et nageant jusqu’à la naissance de la houle attendent la formation d’une vague, quelquefois à plus d’un mille du rivage, et s’étendant à plat ventre sur la planche se tiennent sur l’arête de la vague de façon à avancer avec elle avec une rapidité extraordinaire. Hommes et femmes excellent dans ce sport et certains sont même capables de se tenir debout sur la planche.[5]
Quand Mark Twain visite Hawaï en 1866, il décrit les populations locales s’adonnant au « passe-temps national qu’est le surf-bathing »[6].
Mais il faut attendre le début du XXe siècle pour que le surf s’exporte et connaisse un succès international.
Le surf sur la vague du succès
Au début des années 1900, le surfeur américain Alexander Hume Ford initie l’écrivain Jack London au surf. Ce dernier est très enthousiaste et écrit un article sur le sujet[7], qui attire les visiteurs à Hawaï.

Des surfeurs se rassemblent au Outrigger Canoe Club, un club nautique d’abord réservé aux haoles (Blancs). Les Hawaïens George Freeth et Duke Kahanamoku fondent le Hui Nalu Club (1908), ouvert à tous. Les deux clubs se livrent à des compétitions sur la plage de Waikiki.

Dès 1907, Freeth et Kahanamoku promeuvent le surf à l’étranger en faisant des démonstrations aux États-Unis (Californie), en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Les planches de l’époque sont en bois et restent proches des modèles hawaïens. Le modèle de longue planche olo perdure, alors que la courte planche alaia tombe dans l’oubli. Outre le sport, les planches servent aussi pour les courses de rame et le sauvetage en mer.

Au milieu des années 1920 apparaissent les premières planches creuses (hollow board) plus légères (moins de 50kg), rapidement en vogue à Hawaï et aux États-Unis pour la pratique de la rame et du sauvetage. Vers 1935, on voit les premières planches à aileron (appelées couramment dérives), encore plus légères (moins de 30kg) et facilement manœuvrables dans les vagues
La fabrication industrielle de planches de surf se développe aux États-Unis dans les années 1950 et 1960. Les planches dites « Malibu » deviennent la référence.
Ces évolutions techniques permettent de pratiquer sur des vagues de plus en plus hautes[8].
À Nazaré (Portugal), les vagues peuvent atteindre jusqu’à 30m de hauteur ! Voilà un sport aquatique qui donne le vertige.
Le surf en France
Sous l’influence des surfeurs américains, la pratique apparait en France à la fin des années 1950, sur la côte basque. Les premières compétitions (course de rame) sont organisées en 1961.
Chez nous, le terme désigne simultanément la planche, l’activité aquatique et la discipline sportive codifiée[9]. Au figuré, surfer désigne l’action de « passer avec aisance d’une activité à l’autre ». Le « surf » désigne ainsi la pratique consistant à parcourir des pages web.
Au terme de ce décryptage, nous vous souhaitons donc une agréable session de surf, que ce soit sur les vagues des mers turquoises ou sur les pages de O’Parleur !
Hannibal LECTEUR, à point pour un break
En bonus : Surfin’ USA ♫ The Beach Boys (1963)
Notes et références – Surf
[1] Littéralement, surf signifie « ressac » et riding « chevaucher ». Source : Le Petit Larousse.
[2] Terme recommandé par l’OQLF et par la Commission générale de terminologie et de néologie et publié au Journal officiel de la République française le 26 novembre 2008. D’autres termes plus spécifiques existent, comme shortboarder, bodyboardeur, longboardeur, bodysurfeur, etc.
[3] À l’heure actuelle.
[4] Selon les historiens et anthropologues, diverses pratiques de surf existaient en Polynésie et dans d’autres lieux du Pacifique avant l’époque moderne. La pratique des vagues avec un flotteur a certainement été inventée indépendamment et simultanément en d’autres endroits du monde, comme le suggèrent des pratiques isolées en Afrique, Australie ou au Pérou. Source : Robert Edelman et Wayne Wilson, The Oxford Handbook of Sports History, 2017, 240 p.
[5] James Morisson, « Journal de James Morisson second maître à bord de la Bounty ». Traduit de L’anglais par B. Jaunez. Coll. Publication de la société des Océanistes, N 16, Musée de l’Homme. 1966.
[6] In. Roughing it, ch. LXXIII, 1872.
[7] “Surfing: A Royal Sport”, octobre 1907.
[8] À l’origine, en raison de leur matériel, les surfeurs ne pouvaient pas pratiquer sur des vagues de plus de 3 ou 4 mètres. Quant aux vagues immenses, il faudra attendre l’invention du surf tracté dans les années 1990.
[9] Attention toutefois, le surf comporte de nombreuses variantes. Il y a l’activité d’origine pratiquée debout sur une planche courte (shortboard), par opposition aux autres disciplines de glisse sur les vagues comme le longboard, le bodyboard, le bodysurf, le skimboard, le stand up paddle, le windsurf, etc.
Retrouvez notre précédent Décryptage → Kayak