Vendredi 13 ~ Superstition

Décryptage Superstition

Décryptage de la semaine

Ce vendredi 13 est votre jour de chance : nous vous expliquons l’origine du mot superstition. Alors, enjambez votre échelle, montrez patte blanche à votre chat noir et lisez le décryptage du O’, la rubrique super… tout court !

Décryptage Superstition
Si vous êtes du genre superstitieux… Vous pouvez aussi cueillir un trèfle à quatre feuilles (ou « à quatre folioles », comme on dit en botanique). Dans l’Antiquité, Sophocle pensait qu’il renfermait un venin terrible ; Pline, au contraire, y voyait un antidote à la morsure de serpent. On s’en servait aussi pour créer des philtres d’amour. Dans la tradition chrétienne, il rappelle la forme de la croix et est porté par Ève. Chaque feuille représente une des vertus théologales. La première feuille est pour l’espérance, la seconde pour la foi et la troisième pour la charité ; la quatrième feuille symboliserait donc la chance

 

But you must be some kind of superstare

La superstition est la croyance irraisonnée, fondée sur la crainte ou l’ignorance, qui prête un caractère surnaturel ou sacré à certains phénomènes, à certains actes, à certaines paroles.

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Crédulité, superstition et fanatisme, gravure de Hogarth, 1762.

En latin, superstare signifie « se tenir au-dessus », « surmonter », « dominer »[1]. Superstition est un emprunt savant (1375) à son dérivé superstitio. A l’origine, le terme désigne une « pratique religieuse superflue, vaine » en opposition à religio[2] (« scrupule religieux »).

Par ailleurs, les Anciens définissent le mot comme une pratique visant à obtenir des dieux une postérité (descendance, réputation…).

 

It’s a kind of magic

Le terme apparaît au XIVe siècle et se répand à partir du XVIe siècle. La superstition désigne des croyances et des pratiques de nature irrationnelle vis-à vis du sacré. En ce sens, le mot peut s’appliquer à l’idolâtrie, à la magie, à l’occultisme, etc…

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En parlant de magie… Outre ses prédispositions à sortir d’un chapeau, le lapin est un porte-bonheur. Ou du moins, sa patte (Aie !). Pour le coup, ça ne lui porte pas bonheur. Mais cette amulette doit apporter abondance et prospérité à qui la porte. Le lapin est en effet symbole de fécondité. En revanche, n’en parlez surtout pas à un marin. Son nom est banni sur les bateaux. La légende raconte que ces animaux sont à l’origine de naufrages car une fois échappés de leurs cages, ils grignotent l’étoupe, rendant la coque non étanche. Les Monty Python avaient pourtant bien essayé de nous prévenir de la nature démoniaque de la bestiole…

Selon l’idéologie de l’époque, on l’oppose soit à la « vraie religion », soit à la raison critique. Depuis la fin du XVIe siècle, superstition possède la valeur, plus courante, de « croyance au pouvoir (bénéfique ou maléfique) de certains actes, de certains signes » (1573). D’où le sens de « présage que l’on tire de certains accidents fortuits » (1690)[3].

 

Losing my superstition religion

En parlant de croyances religieuses, le mot s’emploie au sens d’« excès de scrupules » (1611), puis par extension à propos d’un excès d’exactitude, de soin, dicté par la superstition, qu’elle soit de nature religieuse ou profane (1694, superstition des reliques, du nombre 13).

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Quitte à être à cheval sur les superstitions… Le fer à cheval doit vraisemblablement sa réputation de porte-bonheur à un mythe romain. La légende raconte que Néron ordonnait aux forgerons de ferrer ses montures avec de l’or. Mais ce métal tenait moins bien que le fer. Aussi, il n’était pas rare de trouver des fers à cheval en or après le passage de l’empereur. Dans la réalité et plus concrètement, les fers perdus étaient revendus aux forgerons contre une somme d’argent.

De là vient le sens plus large « d’attitude irrationnelle, magique » en quelque domaine que ce soit (1742, Voltaire). A la même époque, le mot désigne (XVIIIe siècle) l’ensemble des traditions religieuses, des préjugés contraires à la raison. Le terme s’oppose alors à la philosophie, aux Lumières et se rapproche du fanatisme.

 

Y’a la bonne superstition et y’a la mauvaise superstition…

La superstition s’observe également en psychanalyse mais il s’agit ici d’une pathologie mentale. Elle se rapproche alors de la paranoïa, de la psychose ou des troubles obsessionnels compulsifs. La vie du superstitieux pathologique est régie par les forces « surnaturelles » et les signes extérieures de chance ou de malheur. Exemple : compter le nombre de carreaux et voir si le résultat est favorable ou non à ses attentes.

Sur une note plus légère, chaque pays et corps de métier a ses propres superstitions. Nous l’avons vu plus haut, les marins n’aiment pas les lapins. Plus tard, ce sont les femmes sur un navire qui seront un mauvais présage. Puis au volant (alors qu’en fait). Au théâtre, la couleur verte porte malheur… en France[4]. Mais il s’agit du violet en Italie, du vert et du bleu au Royaume-Uni ou du jaune en Espagne.

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Alors, bon ou mauvais présage ?

Certains pensent que croiser un chat noir porte malheur ? Grossière erreur ! Chez nos amis grands-bretons, c’est au contraire une excellente nouvelle. Toujours du côté de l’Angleterre, au XVIIIe siècle, ouvrir un parapluie sous un toit n’est pas recommandé (les deux protections s’annulant).

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Sauf si le voisin du-dessus oublie de fermer son robinet…

Comme nous pouvons le constater, la superstition est donc liée à nos biais cognitifs, nos habitudes, notre sensibilité. C’est notre façon d’appréhender le hasard et les épreuves (création de rituels, peur de l’échec) qui nous incite à penser que tel ou tel événement est porteur de bonheur/malheur[5].

Le tout est de rester cartésien. Sur ces bonnes paroles, je vous laisse. Le temps de prendre mon amulette et je file faire mon loto de 13H13. Hein ? Non, non, c’est un hasard, je ne crois pas à ces choses-là, voyons…

Hannibal LECTEUR, super… superstitieux

 

En bonus : Superstition ♫, de Stevie Wonder (1972) :

 

Notes et références – Superstition

[1] À basse époque, le verbe a signifié « survivre », sous l’influence sémantique de son dérivé superstes, -itis « qui demeure au-dessus » ; d’où le sens devenu courant de « qui survit ». Superstare est composé de super « au-dessus, par-dessus » (cf. super) et de stare « se tenir debout » (cf. ester).

[2] Cf. religion.

[3] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.

[4] Il existe plusieurs hypothèses pour expliquer cette connotation négative. 1/ Il s’agirait de la couleur des fées, qui ne supportent pas que les humains la portent ; 2/ Ce serait la couleur du costume de Judas ; 3/ ou de celui de Molière lors de son décès sur scène ; 4/ Il pourrait aussi s’agir de l’oxyde de cuivre, colorant utilisé jadis pour obtenir du vert… et toxique !

[5] Sur le sujet : lire Stuart A. Vyse, Believing in Magic. The Psychology of Superstition, Oxford University Press, 2000, 272 p. (en anglais).

Retrouvez notre précédent Décryptage → Mai, se met au vert