Décryptage de la semaine
Cette année, pour Pâques, O’Parleur propose de vous sonner les cloches ! Explication dans un décryptage qui ne met pas tous ses œufs dans le même panier.
Y’a quelque chose qui sonne cloche…
Cloche (avant 1150) vient du bas latin clocca, attesté en 550 dans le domaine… anglais ! Le mot arrive ensuite sur le continent grâce aux moines irlandais évangélisateurs de l’Europe. Clocca a une racine celtique[1] et doit correspondre à une onomatopée apparentée à klak-, klik-.[2]
Toutefois, pas de quoi prendre ses klik- et ses klak-. La cloche désigne un instrument à percussion important dans notre culture, notamment par son usage religieux. Elle produit d’ailleurs plusieurs locutions, de sens figuré (son de cloche) ou usuelles comme sonner les cloches.
Ding dingue dong
L’expression sonner les cloches signifie « traiter brutalement (quelqu’un), réprimander ». Elle s’appuie sur deux sens métaphoriques.
En effet, la cloche représente ici la tête. Déjà en 1718, dans le Dictionnaire comique de Leroux, elle désigne des gens indécis, à qui l’on fait dire ce que l’on veut. Ce sens fait alors allusion au mouvement de va-et-vient et à l’idée de balancer « hésiter » (comme la tête).[3]
Quant à sonner, par analogie au coup donné à la cloche pour la faire résonner, il signifie familièrement « assommer, étourdir », en heurtant la tête contre quelque chose de dur (1486). Cet emploi est fort répandu à la fin du XIXe siècle, d’où être sonné (1931).
De là viennent par extension les sens figurés de « mettre en mauvais état psychologique ou physique » (début XXe siècle) et « traiter brutalement, réprimander » (début XXe siècle).
Se faire sonner (les cloches) reprend donc métaphoriquement cette valeur concrète.[4]
Et pourquoi fait on sonner les cloches à Pâques ?
Pâques est la fête la plus importante du christianisme. Elle commémore la résurrection de Jésus. Depuis le Jeudi Saint, les cloches sont condamnées au silence pendant trois jours en signe de deuil.
La tradition était de dire aux enfants que les cloches étaient parties à Rome, où le Pape les bénissait.
Elles ne carillonnaient à nouveau que dans la nuit du samedi au dimanche de Pâques, pour annoncer la joie de la résurrection du Christ. Outre la célébration de la bonne nouvelle, les cloches rapportaient avec elles de nombreuses friandises, qu’elles laissaient dans les jardins et les maisons. Les enfants avaient alors soin de les récolter (et de les déguster).[5]

C’est pour cela qu’il faudra être bien sage ce week-end. Pour Pâques, nous vous recommandons donc de marcher sur des œufs afin de ne pas vous faire sonner les cloches !
Hannibal LECTEUR, sonne toujours deux fois (même les cloches)
En bonus : on se fait sonner les cloches, mais en musique ! Ring my bell ♫ Anita Ward (1979)
Notes et références – Sonner les cloches
[1] Ancien irlandais cloc de même sens.
[2] Il a remplacé le représentant du latin campana dans les parlers du Nord et dans plusieurs régions du Sud (cf. campanile, campanule).
[3] Telle pourrait être l’origine du sens argotique puis familier de « personne stupide et incapable » (1872), à rapprocher de l’expression avoir la cloche fêlée « être fou » où cloche a aussi le sens de « tête » (1819).
[4] Notons également, au XVIIe siècle, l’expression faire sonner la plus grosse cloche, avec un sens bien différent. En effet, elle signifiait « faire parler la personne qui a le plus d’autorité ».
[5] Sources : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française et site de l’Église Catholique « Pourquoi parle-t-on des cloches de Pâques ? »
Retrouvez notre précédent Décryptage → Cousu de fil blanc