Décryptage Sauter du coq à l'âne

Yes, we canE ~ Sauter du coq à l’âne

Décryptage de la semaine

Vous avez regardé quoi à la télévision ? Bon ! Je vais aller acheter du beurre, là. Tiens ! Il y a eu une sacrée pluie hier… Vous l’avez compris : ce vendredi, O’Parleur, vous fait sauter du coq à l’âne ! Explication dans un baudet cryptage (NDLR : « Celle-là, fallait oser la sortir ! ») !

 

Chaînon manquant

Le composé coq-à-l’âne, nom masculin, est apparu au XVIe siècle et vient de la locution saillir du coq à l’âne (1370), refaite au XVe siècle en sauter du coq à l’âne. Au XVIe siècle, on a donné ce nom (1536) à une épître satirique et burlesque dont l’invention est attribuée à Clément Marot (1531, Épistre du Coq en l’Asne).

Sauter du coq à l’âne signifie que l’on passe d’un sujet à un autre sans logique apparente ni cohérence, de manière désordonnée. Le coq[1] et l’âne étant anatomiquement très différents, la métaphore du changement abrupt de conversation est facile à comprendre. Rien de bien surprenant. Et pourtant…

Si je vous disais qu’au départ, il n’y avait pas d’âne, mais une… cane ? Oui, vous avez bien lu.

Mais alors… comment avons-nous sauté de ça…

Décryptage Sauter du coq à l'âne
Ça vous en bouche un coin (coin) !

À ça ?

Décryptage Sauter du coq à l'âne
L’âne rit de mes âneries

Réponse sans transition (mais avec logique et cohérence).

 

Festival de Cane

Il semble qu’il y ait eu confusion entre l’âne qui désigne le baudet et l’ane (sans accent circonflexe), qui désigne la cane !

Ce nom féminin, qui a aussi désigné le canard (XIIe-XIVe siècle), est issu du latin anas, anatis.[2] On l’élimine au XIVe siècle en raison de sa confusion homonymique avec asne (cf. âne)[3]. On l’a remplacé par les termes cane et canard.[4] Il ne survit que dans le composé bédane (cf. bec), c’est-à-dire bec d’ane « bec de canard ».[5]

Ainsi, l’asne est devenu l’âne et a remplacé l’ane.[6]

Décryptage Sauter du coq à l'âne
Qu’est-ce qu’on se mare (aux canards)

Enfin, précisons que si l’expression s’écrit « sauter (ou passer) du coq à l’âne, on signalera en revanche à quelqu’un qu’il fait « un coq-à-l’âne ». Pourquoi les traits d’union ? Parce que le terme devient alors un nom composé.

À présent, nous espérons que vous y voyez plus clair que ce pauvre coq qui confond volaille, palmipède et baudet. Dire que s’il avait eu des lunettes, il n’aurait jamais sauté du coq à l’âne. N’empêche… quelle belle voiture !

Hannibal LECTEUR, passe du coca-light

 

En bonus : sauter du coq à l’âne, en jeu, c’est Simple comme bonjour (Les Inconnus)

Le Kamoulox n’a rien inventé !

 

Notes et références – Sauter du coq à l’âne

[1] Coq, attesté dans le Bestiaire de Philippe de Taon (vers 1121) est d’origine incertaine. On le considère comme une formation onomatopéique : coccus (bas latin dès le VIe siècle). Mais l’onomatopée est plutôt celle du cri de la poule (cf. coque), le latin ayant cocococo (Pétrone) pour le cri du mâle (cf. cocorico). P. Guiraud y voit plutôt un mot picard et anglo-normand, probablement issu du germanique cocke « tas » et croisé avec le latin coccum « couleur écarlate » (cf. coccinelle, coque).

Coq a supplanté l’ancien français jal, représentant du latin gallus, qui s’est maintenu dans d’autres langues romanes (espagnol, italien gallo) [cf. gallinacé], ainsi que des formes masculines correspondant à poule, tel pouil (dans fier comme un pouil, devenu par confusion… comme un pou).

[2] Ce mot correspond à l’ancien haut-allemand anut, au grec nêtta (attique).

[3] Âne, nom masculin, est la forme phonétiquement évoluée (asne, Xe siècle ; ane, XIIIe siècle) du latin asinus, qui a donné asino en italien, asno en espagnol. Alors que les noms du cheval, comme le latin equus (cf. équestre), sont indoeuropéens, ceux de l’âne, animal méditerranéen, sont différents dans chaque langue (Ernout et Meillet). Cependant, le grec onos (cf. onagre), que Benveniste explique par le sumérien ansu, semble apparenté à asinus. Dès le latin, le mot sert de désignation péjorative pour les humains.

Le mot désigne, depuis le Xe siècle, le mammifère domestiqué, utilisé à diverses tâches et, au figuré (XIIIe siècle), une personne peu intelligente.

[4] En se basant sur le verbe caner qui signifie « caqueter » au XIIIe siècle.

[5] Certains dérivés, comme anete, ont survécu jusqu’au XVIIe siècle.

[6] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.

Retrouvez notre précédent Décryptage Quand les poules auront des dents