Décryptage de la semaine
Ah, la Saint-Valentin ! La fête de celles et ceux touchés par la flèche de cupidon pour certains, la fête des cupides dont les profits grimpent en flèche pour d’autres !
Mais quelle est son origine ? Réponse avec le Décryptage du O’, le rendez-vous des amoureux… de la langue française !
Qui me dira les mots d’amour qui font si bien du mal ? (Étymologie)
Valentin, Valentine (début du XVIe siècle au féminin) du nom de Saint-Valentin, patron des amoureux qu’on honore le 14 février, moment de l’année où, selon certaines traditions, l’on commençait à quitter les maisons et où les jeunes gens se retrouvaient pour danser.
Ce mot, sorti d’usage, est d’abord attesté au féminin chez Charles d’Orléans (1394-1465), au sens de « femme aimée ». Repris au masculin, valentin a désigné (vers 1460) un marchand de ces petits cadeaux que les galants donnaient à la femme aimée.
On retrouve ensuite fête valentine « fête où l’on désigne les valentins pour la durée de l’année » (1495) ; ici, valentin est un jeune homme choisi comme amoureux par une jeune fille pour la Saint-Valentin et il doit lui offrir des présents. Avec ce sens, le mot est passé en anglais, sous la forme valentine. On emploie également le nom féminin (1842) pour une « jeune fille qui choisit un valentin » et semaine des valentins (1876) pour celle qui comprend le 14 février [1].
Seul le nom propre de la Saint-Valentin reste en usage de nos jours. Mais qui est-il ?
Ah, tu verras, tu verras… (Qui était Saint-Valentin?)
Saint-Valentin était en réalité Valentin de Terni (parfois confondu avec Valentin de Rome), un moine qui vécut au IIIe siècle sous le règne de l’Empereur Claude II le Gothique. Nous sommes aux débuts du christianisme en Europe et Claude II est farouchement opposé aux chrétiens. Ses raisons sont idéologiques, mais également stratégiques et militaires : l’empereur souhaite en effet interdire le mariage afin que plus d’hommes soient envoyés à la guerre.

Dans ce contexte, on apprend qu’un certain Valentin de Terni célèbre des mariages chrétiens, allant à l’encontre de la volonté de l’Empereur. Ce dernier fait donc arrêter le moine. La légende raconte que Valentin aurait refusé de se soumettre à Claude II. On le jeta en prison, où il séduisit la fille de son geôlier, Julia, qui était aveugle de naissance. Selon la tradition, un miracle se produisit : un soir, la jeune femme retrouva la vue.
L’Empereur Claude II, goûtant fort peu ce genre de miracles attribués au christianisme, ordonna l’exécution de Valentin. Ce dernier fut roué de coups et décapité sur la voie Flaminia, à Rome, le 14 février 269[2]. Cette date coïncide à dessein avec le début des Lupercales, fêtes païennes de purification en l’honneur de Faunus, dieu de la forêt et des troupeaux. Il s’agissait de faire un exemple.
Il existe une autre version de cette histoire dans la Légende dorée, où Valentin de Terni parvient à convaincre l’Empereur par ses propos. Un gouverneur accuse alors le moine d’avoir corrompu Claude II. Ce dernier fait jeter Valentin en prison pour prouver que son jugement n’a pas été altéré. Le reste de l’histoire se rapproche des faits énoncés plus haut[3].
Oh My Darling Valentine ! (la « British Invasion »)
Contrairement à une idée reçue (véhiculée par les publicitaires et les professionnels du marketing), la Saint-Valentin ne date pas de l’Antiquité.

L’origine de cette fête est attestée au XIVe siècle chez nos voisins grands-bretons. La Saint-Valentin était perçue comme la fête des amoureux car c’est à cette période de l’année que les oiseaux s’appariaient[4]. Les poètes et écrivains de l’époque ont propagé cette idée dans leurs œuvres. Parmi eux, Chaucer et, surtout, Othon de Grandson et Charles d’Orléans.
Le premier, poète et capitaine vaudois à la cour d’Angleterre, y consacra une part importante de son œuvre. Il fit connaître cette coutume dans le monde latin, notamment à la cour de Savoie. Parmi les œuvres les plus connues figurent : La Complainte de Saint Valentin (I et II), Le Souhait de Saint Valentin et Le Songe Saint Valentin. Charles d’Orléans fit quant à lui connaître l’œuvre d’Othon à la cour de France et écrivit de nombreux poèmes sur le sujet.
Je t’aime moi non plus (La Saint-Valentin aujourd’hui)
La « consécration » se produit en 1496 quand Valentin de Terni se voit octroyer le titre de « patron des amoureux » par le pape Alexandre VI. Un paradoxe quand l’on sait que l’Église catholique n’était pas forcément favorable au valentinage[5]. La coutume se propage ainsi jusqu’au XIXe siècle où l’événement prend une tournure commerciale aux Etats-Unis.
La Saint-Valentin deviendra une fête laïque au XXe siècle. En effet, suite à une confusion entre différents saints « Valentin » célébrés dans des récits hagiographiques et sans rapport avec le christianisme, la fête sera rayée du calendrier liturgique romain en 1969 mais restera dans les calendriers régionaux.
Aujourd’hui, la Saint-Valentin s’apparente le plus souvent à une kermesse médiatique, à grand coup de publicités pour l’achat de roses rouges, de chocolat ou de menus « spécial Saint-Valentin » vendus à prix d’or. Mais qu’importe la date ou la surenchère financière, les vrais amoureux le savent : quand on aime, « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour » (Pierre Reverdy) ! N’en déplaise aux boursicoteurs du valentinage et aux cyniques !
Pour conclure de façon ludique, adressons un petit défi aux plus mélomanes d’entre vous : saurez-vous reconnaître les titres des chansons d’amour qui se sont glissés dans ce décryptage ?
Hannibal LECTEUR
En bonus : chabadabada…
La Saint-Valentin à travers le monde :
Tout comme le Père Noël, le marchand de sable ou le Vendredi 13, la Saint-Valentin n’a pas le même nom ni la même date dans chaque pays. Petit tour non exhaustif des coutumes à travers le monde :
- En Catalogne, la Sant Jordi est célébrée le 23 avril, fête au cours de laquelle les hommes offrent une rose aux femmes et les femmes un livre aux hommes.
- Au Brésil, le dia dos namorados (jour des amoureux) est célébré le 12 juin.
- Dans de nombreux pays d’Amérique latine hispanophone comme la Bolivie, la Colombie et le Pérou, la fête s’appelle día del amor y amistad (« jour de l’amour et de l’amitié »). La date de célébration est variable (le troisième samedi de septembre en Colombie).
- En Iran, Sepandarmazgan (سپندارمذگان) ou Esfandegan, est une célébration de la terre dans la culture perse antique. C’est aussi une fête où l’on célèbre les mères et les épouses.
- En Israël, on peut rapprocher la Saint-Valentin de Tou Beav (ט »ו באב). Ce jour est célébré au mois de juillet ou août (en fonction du calendrier hébraïque).
- En Chine, il y a la fête traditionnelle du Qi Qiao Jie (乞巧节) pour les amoureux, issue d’une légende ancienne. Sa date est le septième jour du septième mois du calendrier lunaire.
- Au Pays de Galles, on fête la Sainte-Dwynwen le 25 janvier.
[1] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.
[2] Source : Judith Blanchon, « Février : le mois de la Saint-Valentin », revue L’Histoire, numéro 20, février 1980, p. 85.
[3] Vous pouvez lire une version de cette histoire à cette adresse.
[4] Sur ce sujet, lire : Louis Réau, Iconographie de l’art chrétien, Presses universitaires de France, 1959, p. 1303.
[5] Source : Jean-Claude Kaufmann, Saint Valentin, mon amour !, Éditions Les Liens qui libèrent, 2017, p. 47.
Retrouvez notre précédent Décryptage → Être en panne