Décryptage de la semaine
« Souviens toi… souviens toi du 5 novembre ! » En 1605, Guy Fawkes a bien failli mettre le feu aux poudres, dans tous les sens du terme ! Toutefois, ses exploits pyrotechniques contrariés ne sont pas à l’origine de l’expression du jour. L’explication est ailleurs et nous allons donc faire parler la poudre !

Un décryptage de mèche avec l’étymologie !
Intéressons-nous à l’histoire de la poudre et à ses nombreux sens à travers le temps. A l’origine, poudre vient du latin pulverulentus, qui signifie « poussière du sol » [1]. Il désigne aussi ce qui est réduit à l’état de poudre et/ou ce qui a la consistance de la poussière. On parle alors de matière pulvérulente[2].

Le latin recouvre également un troisième sens, plus surprenant. En effet, il désigne aussi la poussière du champ de bataille puis le champ de bataille lui-même. Par extension, il signifie au figuré « lutte » et « effort ».

La poussière aujourd’hui et la poudre hier…
La poudre (vers 1160)[3] prend d’abord le sens de « poussière du sol ». Nous la retrouvons ainsi dans la locution jeter de la poudre aux yeux (1559). Celle-ci a d’abord signifié « surpasser », par allusion au coureur en tête qui soulève de la poussière devant ceux qui le suivent, avant de prendre son sens actuel (1660)[4].
Les Saintes écritures en font également usage (vous retournerez en poudre, Genèse III, 19)[5]. Nous pourrions alors parler de « poudre aux dieux ». Hum… Pardon ! La poussière va progressivement la remplacer, à mesure qu’elle développe ses sens spéciaux[6].
De la poudre de perlimpinpin ?
Dès le XIIe siècle, la poudre désigne une substance solide finement pulvérisée (1180-1190). On la retrouve également en pharmacie (XIIIe siècle), en toilette et cosmétique (1428). Elle revêt une importance particulière aux XVIIe et XVIIIe siècles, lorsque les visages et les perruques sont poudrés. Elle forme même l’expression poudre de riz (1845)[7].
On qualifie également de poudre le sable dont on saupoudre l’écriture pour la sécher (1556). Les gourmands ne sont pas en reste puisqu’on l’emploie aussi en alimentation (épices). N’oublions pas non plus la joaillerie (1694, poudre d’or) ni la toxicologie (d’où poudre pour la cocaïne).
Enfin, il reste une dernière utilisation sans doute la plus utilisée en langue française : la poudre noire. De quoi faire des révélations… explosives ?
Mettre le feu aux poudres, une expression canon !
Un des sens spéciaux de la poudre connaît une fortune particulière : celui de « mélange explosif pulvérulent » (1361).

On le retrouve dans plusieurs expressions, comme poudre de canon (1417) avant poudre à canon. Moins connue, la locution tirer sa poudre aux moineaux signifie « agir inutilement » (avant 1660). En référence aux armes qui l’utilisent, on aime faire parler la poudre « combattre avec des armes à feu », sentir la poudre (à canon) [1690] ou être vif comme la poudre (1798).
Et bien sûr au XVIe siècle, mettre le feu aux… étouppes (puis étoupes) ![8] C’est en 1690 que l’expression se change en mettre le feu aux poudres. Signifiant « déclencher une catastrophe »[9], elle a un sens très concret. Si l’on allume la mèche destinée à faire exploser la poudre, on va effectivement provoquer une explosion. BOOM !
Plus surprenant, l’expression avait aussi une connotation érotique, surtout avec l’étoupe (XVIIIe siècle). Le feu symbolisait alors l’ardeur amoureuse et l’étoupe, comme dans la marine, servait à colmater une brèche…
A défaut de mettre le feu aux poudres, nous espérons avoir attisé (puis satisfait) votre curiosité !
Hannibal LECTEUR, Allumette, gentille allumette…
En bonus : à force de mettre le feu aux poudres… On finit par énerver ce bon Raoul ! Les Tontons flingueurs, de Georges Lautner (1963)
Notes et références – Mettre le feu aux poudres
[1] Le mot appartient peut-être à une racine indoeuropéenne °pel- « poudre » également présente dans le sanskrit palāvah, et, en latin, dans pollen (cf. pollen), puls (cf. pouture).
[3] On parle d’abord de puldre (1080), puis de pudre (vers 1155) avant d’aboutir à sa forme moderne.
[4] Et d’être spontanément interprétée comme un emploi de poudre avec son sens moderne
[5] Source : Littré en ligne.
[6] Le sens de « poussière », normal en français classique, se rencontre encore en poésie au XIXe siècle (Vigny, Hugo, Verlaine), et dans les anciennes traductions de la Bible.
[7] Syntagme qui produit l’adjectif poudrerizé, contraction de poudrederizé (1887) pour « couvert de poudre de riz ».
[8] Du latin stuppa,-ae (f), l’étoupe est un sous-produit fibreux non tissé issu essentiellement du travail du chanvre ou du lin.
[9] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.
Retrouvez notre précédent Décryptage → Narcisse