Décryptage de la semaine
O’Parleur bombe le torse pour parler du matamore. Explication dans un décryptage qui ne se dégonfle pas !
Less is matamore
Matamore, nom masculin et adjectif, est emprunté (1630, d’Aubigné) à l’espagnol Matamoros, personnage de la commedia dell’arte. Le mot signifie proprement « tueur de Maures »[1].
C’est le nom d’un faux brave de comédie qui ne cesse de vanter ses prétendus exploits contre les Maures, et qui correspond au Capitan de la comédie italienne.

Comme ce dernier, c’est un héritier du Miles gloriosus de Plaute, soldat fanfaron, se targuant d’exploits qu’il n’a pas réalisés et qui en fait n’est qu’un lâche.
Matamore porte des vêtements bigarrés et des accessoires de taille exagérée (épée, chapeau…) qui soulignent la dimension ridicule du personnage.

Un héros très discret
Le personnage du soldat pleutre mais fanfaron apparaît plusieurs fois dans le théâtre de William Shakespeare[2]. Au XVIIe siècle, Matamore est un personnage populaire de la comédie en France : le nom figure déjà dans le titre Les Rodomontades espagnoles, où il est question des très épouvantables, terribles et invincibles Capitaines Matamores, Crocodille et Rajabroqueles, Fanfaron (1607).

Corneille en fait un héros de L’Illusion comique (1636), dont la popularité favorisera la diffusion du mot ; Mareschal écrit Le Véritable Capitan Matamore (1637) et Scarron Les Boutades du Capitan Matamore (1647) ; le personnage se retrouve également chez Rotrou, Cyrano et Tristan.

Le nom est passé dans l’usage courant comme nom commun puis comme adjectif au sens de « faux brave, vantard ». Le matamore, c’est celui qui ne recule jamais face au danger, vu qu’il l’évite soigneusement !
Son seul fait d’arme consiste à avoir produit un terme de zoologie : le matamorisme, nom masculin (1931, Larousse). Il s’agit du procédé de défense de certains animaux qui se font plus gros qu’ils ne sont afin d’effrayer leurs adversaires.[3]

Effectivement, à quoi bon prendre son courage à deux mains lorsque l’on peut prendre ses jambes à son cou ? En conclusion, nous vous souhaitons donc un bon week-end… et bon courage, on n’est jamais trop prudent !
Hannibal LECTEUR, Préfère O’Parleur au beau-parleur
En bonus : Bidon ♫ Alain Souchon (1976)
Notes et références – Matamore
[1] De mata, forme du verbe matar « tuer » (cf. matador) et Moros, pluriel de Moro « Maure » (cf. mauresque).
[2] Paroles (Tout est bien qui finit bien) et Pistol (Henry IV) sont considérés comme des avatars de ce personnage. Falstaff emprunte aussi au matamore ses rodomontades et sa couardise sur le champ de bataille.
[3] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.
Retrouvez notre précédent Décryptage → Samedi, en congé sabbatique