l'exactitude est la politesse des rois
L'exactitude est la politesse des rois

Expression ~ L’exactitude est la politesse des rois

Décryptage de la semaine

Le décryptage du O’ paraît le vendredi à 15h00. Regardez bien votre montre : nous sommes le vendredi, il est 15h00 et le décryptage est bien paru. L’exactitude est la politesse des rois !

Mais d’où vient l’expression du jour ?

 

Un roi très divertissant…

L’exactitude est la politesse des rois est une maxime qui date du XIXe siècle, dont la parenté est attribuée à Louis Stanislas Xavier de France, plus connu sous le titre de Louis XVIII. Il avait reçu une éducation soignée, ses connaissances en littérature et en latin lui permettant de montrer une bonne culture générale et approfondie en diverses matières. Il avait par ailleurs un esprit acéré et ses formules faisaient souvent mouche :

On ne doit pas oublier qu’à l’époque où les alliés envahirent la France, le général prussien Blücher ayant manifesté, par haine pour Napoléon, l’intention de détruire le pont d’Iéna, Louis XVIII dit au général étranger qu’il se placerait au milieu du pont le jour où il conviendrait au vandalisme de faire sauter ce monument.[1]

 

D’abord comte de Provence, puis comte de Lille, enfin Louis XVIII[2], le roi, en raison de ses pérégrinations forcées en Europe, développa un bel esprit de répartie et une bonne appréciation des événements :

Louis XVIII passait quelques instans (sic.) de la journée à écrire deux ou trois billets à des personnes intimes, et plus souvent à ses ministres de confiance; […] il faisait lui-même ses enveloppes, cachetait ses billets un jour, M. Decazes[3] lui demandait pourquoi il n’avait pas de secrétaire pour s’éviter un soin aussi minutieux; le roi lui répondit « On voit bien mon enfant, que vous n’avez pas encore l’expérience du gouvernement représentatif, un roi ne doit avoir d’autres secrétaires que ses ministres, si j’avais un secrétaire particulier, il serait bientôt plus puissant que vous.[4]

 

… mais très porté sur la politesse et l’exactitude !

Louis XVIII était aussi un homme au caractère bien trempé, pouvant se montrer acerbe, et très à cheval sur l’étiquette et l’exactitude :

Dans l’après-midi, Louis XVIII sortait en calèche découverte, […] et il était rare que des reproches amers ne vinssent pas aiguillonner l’activité de son cocher. « Vas donc, s’écriait-il sans cesse, je ne te donne pas six mille francs pour que tu me conduise (sic.) comme un fiacre. » Ceci tenait moins, comme on l’a prétendu, au régime que lui avait prescrit la faculté, qu’à une exactitude extrême dont se piquait le roi ; […] Observateur sévère, quelquefois outré de l’étiquette, un des traits saillans (sic.) de son caractère fut de ne permettre jamais, autour de lui, qu’on oubliât qu’il était roi.[5]

 

L’exactitude est ici à entendre dans le sens « Respect de l’heure, ponctualité. »[6] Il ne détestait point les maximes et autres pensées, comme certains en écrivaient à l’époque (Chamfort, par exemple) et vers 1820, il donna celle-ci, d’après les mémoires de l’homme politique et banquier Jacques Laffite : l’exactitude est la politesse des rois.[7]

Toutefois, il se pourrait qu’il ait inventé cette maxime plus tôt, si l’on en croit les propos du principal intéressé, dans ses mémoires. Pour contextualiser, la scène se passe très certainement en décembre 1790, alors que l’Assemblée Constituante est encore place, la Constitution n’a pas encore été achevée et Louis XVI est toujours roi. Le futur Louis XVIII écrit donc :

Vers le commencement de décembre, un membre de l’assemblée constituante[…] me fit demander l’honneur de me voir en particulier. […] Le comte Boissy-d’Anglas […] venait de loin en loin me rendre ses devoirs, et je ne crus pas qu’il fût juste de lui refuser l’audience particulière qu’il sollicitait. Lui ayant désigné une heure qui m’arrangeait, je le reçus dès qu’il arriva, car je n’ai jamais eu l’habitude de me faire attendre. Je crois avoir avancé une maxime qui restera, en disant que l’exactitude est la politesse des rois.[8]

 

Assez ironiquement, lorsqu’il a prononcé cette phrase, il n’était encore que Comte de Provence et venait de refuser d’intercéder auprès de Louis XVI pour qu’il abdique, cède le trône au dauphin et, le cas échéant, que l’Assemblée lui décerne la régence!

Quoiqu’il en soit, dès 1820, l’expression est attestée comme étant une maxime du roi Louis XVIII et sera toujours présentée comme telle dans les dictionnaires[9].

L’exactitude est la politesse des rois signifie aujourd’hui qu’être exact et ponctuel est une marque de respect qui s’impose à tous, même aux gens les plus hauts placés dans la société.

Hannibal LECTEUR

Le saviez-vous ?

Dernier roi à être autopsié et embaumé, Louis XVIII aurait, selon la légende, dit à son médecin, le jour de sa mort : « Allons, finissons-en, Charles attend ! » (il s’agit du futur Charles X). Il n’est pas exagéré de dire qu’il fut réellement très soucieux d’exactitude.

[1] Source : Histoire de France, depuis les gaulois jusqu’au règne de Louis-Philippe. Partie 4, Éd. Aubert (1842), p. 44. Disponible à cette adresse.

[2] Roi de France et de Navarre du 6 avril 1814 au 20 mars 1815 puis du 8 juillet 1815 à sa mort, le 16 septembre 1824, à Paris

[3] Il s’agit d’Élie Louis Decazes (1780-1860. Homme politique français, il fut l’un des favoris de Louis XVIII qui appréciait ses manières et son esprit et l’appelait son « fils ». Cette complicité avec le roi lui attira de nombreuses inimitiés, notamment de la part d’un certain Chateaubriand…

[4] Source : Baptiste CAPEFIGUE (1801-1872), Histoire de la Restauration et des causes qui ont amené la chute de la branche aînée des Bourbons. T. 2 / par un homme d’État, p. 70. Disponible à cette adresse.

[5] Ibid.

[6] Source : Dictionnaire de l’Académie Française.

[7] Source : Source : Petite histoire des expressions, Gilles HENRY, Marianne TILLIER, Isabelle KORDA, p. 92.

[8] Source : Louis XVIII, Mémoires de Louis XVIII. T. 4 / recueillis et mis en ordre par M. le duc de D****, p 302. Disponible à cette adresse.

[9] Source : Grand dictionnaire universel du XIXe siècle : français, historique, géographique, mythologique, bibliographique…. T. 7 E / par M. Pierre Larousse, Éd. Larousse (1866-1877), p. 1172. Disponible à cette adresse.

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