Décryptage de la semaine
Aujourd’hui est le jour idéal pour avoir les pieds en bouquet de violettes. Pourquoi ? Parce que c’est vendredi, c’est le décryptage du O’ et c’est l’expression du jour !
On est pas bien, là, à la fraîche…
On relève cette locution pour la première fois en 1945 :
« Et le soir, quelle sensation inoubliable que de pouvoir se déshabiller, se mettre nu, enfiler un pyjama et se glisser dans des draps sentant bon la lessive fraîche et cette odeur de linge propre, et là, s’étendre, les doigts de pied en bouquet de violettes, et dormir, dormir… »
René BARDEL, Quelques-uns des chars. 1939-1940 (1945)
Nous connaissons déjà l’expression avoir les doigts de pieds en éventail. De même, quand un individu est détendu, il peut avoir les pieds en bouquet de violettes. Cela signifie qu’il passe du bon temps, qu’il est dans un moment de calme ou encore de béatitude. Plus cocasse, il peut être au comble de l’extase, avec cette fois-ci une connotation sexuelle[1].
L’analogie est simple : « les pieds en bouquet de violettes » s’épanouissent comme une composition florale sous l’effet de la relaxation et du plaisir ressentis[2]. C’est tout ?
L’étymologie, c’est le pied (en bouquet de violettes) !
Non ! L’apparition récente de cette locution s’explique sans doute par un sens tardif du mot pied. En effet, dès 1080, dans la Chanson de Roland, le terme s’emploie pour désigner une unité de mesure. Au pied de la lettre (1611), sur un pied d’égalité (1753) et plus tard vivre sur un grand pied (1869) n’en sont que quelques exemples.
Dans ces expressions, pied se comprend souvent à tort au sens anatomique. Ainsi, l’argot donnera l’expression familière prendre son pied (1899 ; popularisée vers 1968). A l’origine, il s’agit d’une portion de butin et prendre son pied (ou son fade) signifie « avoir sa part ». Mais la locution bascule de l’argot des voleurs à celui des prostituées. L’expression devient alors « avoir sa part de plaisir amoureux », le mot comportant de fortes connotations érotiques liées à l’idée de « membre »[3].
Le jour idéal pour avoir les pieds en bouquet de violettes !
Quant à la violette, si douce dans les confiseries, si enivrante dans les parfums et si suave dans les sirops… Pourquoi elle et pas une autre ?

Dans le langage des fleurs, elle représente :
- L’innocence, la modestie et la pudeur. Il y a une analogie avec la petite corolle qui semble hésiter à sortir de son écrin de feuilles ;
- Elle peut aussi inciter à être plus hardi(e).
- Bleue/violette, elle témoigne de la fidélité ; blanche, elle évoque le bonheur champêtre.
- Toujours dans le langage des fleurs, la violette en bouquet, entourée de feuilles, symbolise l’amour secret[4]. Sous forme de pensée, elle symbolise la pensée affectueuse[5].
Nous retrouvons donc les notions entremêlées de bonheur sage et de plaisir pas toujours chaste.
Enfin, pendant la Révolution Française, durant l’éphémère calendrier républicain[6], on instaura un nouveau découpage de l’année, et de nouveaux noms pour les mois et les jours. Le mois de ventôse était le sixième mois du calendrier républicain français. Le huitième jour de ce mois était celui de la violette. Dans notre calendrier, il s’agit – nous vous le donnons en mille – du… 26 février !
Nous n’avons cessé de le répéter : le jour I-DÉ-AL pour avoir les pieds en bouquet de violettes !
Hannibal LECTEUR, ultra violet
En bonus : « Quand j’ai connu mon Agathe / Ma jolie petite tomate / J’avais le cœur par-dessus tête / Et les pieds en bouquet de violettes » … Mon petit Amour, Pierre Perret (1965)
Notes et références
[1] Source : Sylvie H. BRUNET, Les doigts de pieds en bouquet de violettes – Dictionnaire coquin de l’amour et du sexe en 369 expressions, éd. Opportun, 2014.
[2] In. Petite histoire des expressions, Gilles HENRY, Marianne TILLIER, Isabelle KORDA, p. 323.
[3] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.
[4] Bernard BERTRAND et Nathalie CASBAS, Une pensée pour la violette, Sengouagnet, éditions de Terran, coll. « Le Compagnon Végétal », avril 2001
[5] Anne DUMAS, Les plantes et leurs symboles, Paris, Éditions du Chêne, coll. « Les carnets du jardin », 2000.
[6] Ou calendrier révolutionnaire français. Créé pendant la Révolution française, il a eu cours de 1792 à 1806, et brièvement durant la Commune de Paris. Il entre en vigueur le 15 vendémiaire an II (6 octobre 1793), mais débute le 1er vendémiaire an I (22 septembre 1792), lendemain de la proclamation de l’abolition de la monarchie et de la naissance de la République, déclaré premier jour de l’« ère des Français ».
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