Source d’inspiration ~ Égérie

Décryptage Égérie

Décryptage de la semaine

À l’occasion de la journée de la femme (8 mars), O’Parleur présente son Égérie, dans un billet qui ne manque pas… d’inspiration !

 

Égérie, un mythe qui coule de source

Notre mot du jour puise son origine dans l’Antiquité. En effet, égérie, nom féminin, emprunte (1846, Balzac) au latin Egeria, terme sans doute étrusque.

À l’origine, Égérie est une nymphe associée au culte de la Diane de Némi, dans le bois d’Aricie. Quand les romains intègrent le culte de Diane à leurs croyances, ils reprennent également la figure d’Égérie. La tradition en fait alors l’inspiratrice et l’épouse de Numa Pompilius, second roi mythique de Rome.

Décryptage Janvier
Le même Numa Pompilius qui a ajouté les mois de janvier et février au calendrier romain !

Lors de rendez-vous nocturnes, la nymphe dicte au roi sabin les réformes religieuses qu’il appliquera aux romains. Le lieu de leur rencontre serait la source du bois des Camènes[1] près de la porte Capène.[2]

Décryptage Égérie
D’ailleurs, c’est sans doute aussi à elle que cette source est consacrée.[3] « La nymphe Égérie dictant  les lois romaines à Numa Pompilius », peinture de Ulpiano Checa (1885)

Numa n’est d’ailleurs pas le seul à profiter des bienfaits de la nymphe.  Les vestales viennent aussi chaque jour puiser l’eau qui leur est nécessaire dans la fontaine d’Égérie.[4]

Décryptage Égérie

Enfin, la nymphe est aussi déesse des femmes et on l’invoque notamment pour faciliter les accouchements.[5]

 

La pèlerine et la pionnière

Un bref aparté pour signaler l’existence d’une autre Égérie, moins connue mais bien réelle. Il s’agit d’une femme, nommée Égérie[6], qui vécut au IVe siècle. On ignore à peu près tout d’elle. Tout juste sait-on qu’elle est peut-être originaire du nord de l’Espagne ou du sud de la Gaule ou d’une région où l’on parlait latin au IVe siècle. Et pourtant, en l’an 380, elle entreprend un pèlerinage jusqu’en Terre sainte. 

Décryptage Égérie

Elle est la première femme à effectuer ce voyage. Elle laisse d’ailleurs un manuscrit très documenté de son périple, le Peregrinatio Aetheriae. Manuscrit qui demeure… longtemps oublié ET anonyme.

Décryptage Égérie
On trouve même des traductions anglaises du manifeste de nos jours !

C’est un ermite galicien du VIIe siècle, Valère du Bierzo, qui identifie la pèlerine en relevant son nom dans le récit (Egeria). Mais le texte est ensuite égaré. Il faudra attendre 1884 pour le retrouver dans une bibliothèque d’Arezzo. Aujourd’hui, ce manuscrit reste un précieux témoignage des pratiques religieuses de l’époque. Et dire que l’on a failli le perdre ! Peut-être un jour égérie deviendra-t-elle synonyme de pionnière ?

 

Égérie aujourd’hui

Le mot est repris tardivement en français, sous forme d’antonomase. Égérie se dit, en termes littéraires, d’une femme qui passe pour la conseillère, l’inspiratrice, la muse d’un homme politique, d’un écrivain ou d’un artiste.

C’est Balzac qui démocratise le mot en 1846. Il l’emploie d’abord comme nom propre :

Le tiers des lorettes, le quart des hommes d’État, la moitié des artistes consulte madame Fontaine, et l’on connaît un ministre à qui elle sert d’Égérie.

Les Comédiens sans le savoir

Puis comme substantif :

Je serais député, je ne ferais point de « boulettes », car je consulterais mon égérie dans les moindres choses.

La Cousine Bette

Au figuré (1862, Vigny)[7], le mot s’emploie par plaisanterie en parlant d’une chose personnifiée en tant que source d’inspiration.[8] Enfin, dans le domaine du marketing, le terme désigne majoritairement une femme (célèbre ou pas) qui devient l’incarnation médiatique/symbolique/publicitaire d’une grande marque.

Comme le dit si bien le proverbe : derrière chaque grand homme, il y a une femme !

Hannibal LECTEUR, préfère sa muse à la croisière

 

En bonus : Égéries, muses et modèles ♫ Jacques Higelin (2010)

 

En second bonus : L’Égérie ♫ Gérard Darmon (2003)

 

Notes et références – Égérie

[1] Les Camènes étaient des divinités archaïques des eaux, confondues ensuite avec les Muses.

[2] De ce fait, les pythagoriciens voient dans cette légende une transposition de l’hydromancie, soit la « divination par l’eau ».

[3] Selon Ovide, après la mort de Numa, Égérie, inconsolable, se réfugie dans le bois d’Aricie. Elle est alors transformée en source par Diane dont elle a interrompu le culte par ses lamentations.

[4] Source : Encyclopædia Universalis.

[5] Certains commentateurs émettent l’hypothèse qu’Égérie est un surnom de Junon, qui préside aussi aux naissances.

[6] Appelée aussi Aetheria, Egeria, Éthérie, Etheria.

[7] « L’étude m’a toujours semblé (…) une sorte d’égérie désintéressée » dans Le Journal d’un poète.

[8] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.

Retrouvez notre précédent Décryptage Schuss !