Décryptage de la semaine
Comme des millions d’enfants (et d’adultes), O’Parleur fait sa rentrée ! Pour « fêter » l’événement, rien de mieux que de revenir sur l’origine du mot école dans un billet… récréatif ! Élève Hannibal Lecteur, au tableau !

Hellène et les garçons
Direction la cafét’… Heu, la Grèce antique à la découverte du mot σχολή / skholê. Il exprime deux idées :
- D’abord celle de loisir (rendu en latin par ludus) ;
- Puis celle d’activité intellectuelle faite à loisir. C’est le cas, par exemple, des discussions scientifiques chez Platon, en opposition aux simples jeux.
Il prend ensuite, en grec tardif et hellénistique, le sens d’« étude / école philosophique ».
Le latin classique, qui aime bien copier sur son voisin hellène, reprend skholê et devient schola[1]. Remplaçant ludus[2], il signifie « corporation, compagnie » et désigne aussi, comme en grec, le « lieu où l’on enseigne ». C’est sous cette influence latino-grecque qu’apparaît le nom féminin escole[3] vers 1050.
Parcours scolaire
École désigne en premier lieu un établissement où l’on donne un enseignement à plusieurs personnes. De ce sens découlent des emplois particuliers. Par métonymie, le mot se dit :
- Du local lui-même (vers 1180) ;
- De l’ensemble des élèves (1835) puis du personnel ;
- Depuis le XIIe siècle, il se dit au figuré de « ce qui est propre à instruire, à former » (vers 1172)[4];
- Par métonymie, le mot se dit de toutes les connaissances acquises en ce lieu (vers 1170) et spécialement pour « érudition » (1225-1250) ;
- C’est également au XIIe siècle (1146-1174) que par extension école désigne un groupe (d’artistes, etc.) qui se réclament des mêmes maîtres, puis d’une même doctrine (classique, romantique) et signifie « groupe de peintres liés par des influences communes » (flamande)[5].
Mais le mot recouvre également d’autres sens ! Notre élève serait-il dissipé ?
Cas d’école(s)
Le mot, qualifié, désigne des établissements où l’on donne un enseignement non spécialisé. Tout au long de l’histoire, on lui attribue bien des titres. Nous parlons bien évidemment de l’école primaire ou globalement de l’école (le terme « communale » est sorti d’usage). On la qualifie également de :
- Primaire supérieure (au XIXe et au début du XXe siècle) ;
- Normale primaire, remplacé par école normale d’instituteurs (institutrices), terme abandonné en France en 1991 ;
- Centrale (1792), remplacé par lycée et école secondaire jusqu’aux réformes qui répartissent l’enseignement secondaire en lycées et collèges (en France).
N’oublions pas non plus les établissements où sont enseignées des matières particulières (école de danse, de dessin, de chimie, de commerce, etc.). Enfin, nous parlerons de grandes écoles, surtout au pluriel, pour désigner l’enseignement supérieur : ENA, ENS, Centrale, Polytechnique, etc.
Cours des locutions
Forcément, le mot du jour a produit de nombreuses locutions. Pour n’en citer que quelques-unes :
- Envoyer, renvoyer quelqu’un à l’école (XVIe siècle) signifie « lui reprocher son ignorance » ; l’expression a été utilisée au jeu de trictrac, aujourd’hui disparu, où elle évoque la victoire remportée sur un adversaire maladroit ;
- On disait aussi à ce jeu faire une école pour « oublier de marquer » (ce qui méritait qu’on soit renvoyé en classe) [1669] ; d’où le sens ultérieur de « faire une faute » (vers 1825) et école pris au sens de « faute grave » (XIXe siècle) ;
- Un peu à la manière d’Aignan dans Le Petit Nicolas, sentir l’école signifie « avoir des manières pédantes » (1690), puis « hors de la vie active » (vieilli aujourd’hui).
- Au XIXe siècle, l’expression les bancs de l’école désignent le lieu. La locution familière user ses fonds de culotte sur les bancs de l’école signifie « faire ses études ». [6]
- Enfin, pour faire l’école buissonnière, voir ici.
Sauvé par le gong !
Il y aurait encore tant à dire sur l’école, ses dérivés[7] et ses nouvelles méthodes d’enseignement. En effet, avec Internet et les événements des dernières années, l’éducation telle que nous la connaissons aujourd’hui se trouve à la croisée de deux mondes, entre tradition et projection dans l’avenir.

Mais la cloche sonne la fin de la récré’ (et du décryptage). Quoiqu’il en soit, nous souhaitons une bonne rentrée aux premiers de la classe, aux cancres, aux pédagogues mais aussi aux parents. Certaines mauvaises langues diront que les vacances commencent réellement pour ces derniers !
Hannibal LECTEUR, a fait Mat’ Sup’ (Maternelle Supérieure…)
En bonus : réponse à une question que l’on s’est tous posé au moins une fois (surtout lors d’une interro’ surprise en maths). Mais qui a eu cette idée folle un jour d’inventer l’école ? Sacré Charlemagne, France Gall (1964).
Notes et références
[1] C’est un « copier/skholê » (pardon !).
[2] En latin, ludus « école élémentaire » est remplacé par schola, et ne laisse pas de trace dans ce sens dans les langues romanes.
[3] Malgré le é- du français, la forme de escole manifeste le caractère écrit de l’emprunt.
[4] Dans un emploi maintenant littéraire, sauf dans l’école de « l’expérience de » (l’école de la vie) et dans les locutions à l’école de « par enseignement de » et être à bonne école (vers 1240) qui remplace estre en bone école (1146-1174).
[5] De ces acceptions viennent faire école « faire autorité » (1835), être de la vieille école « avoir une formation fondée sur des principes vieillis » et, par extension, le sens d’« esprits communs à certains artistes, certains savants». À partir du XVIIe siècle, le mot désigne en particulier (1636) l’enseignement et la philosophie scolastiques, inspirés d’Aristote et des Pères de l’Église.
[6] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.
[7] Pour le plaisir, nous en donnons un. Écolage, nom masculin (1330-1349, escolage « instruction ») est toujours vivant en Suisse pour « frais de scolarité » (1424) ; il continue le latin médiéval scholagium « redevance pour instruction » (1301), mais n’est plus employé en France.
Retrouvez notre précédent Décryptage → Piquer une tête