Décryptage de la semaine
O’Parleur fête les 29 ans de Friends[1] avec l’expression copain comme cochon.

Avoir un bon copain ♫ (comme cochon ou non…)
Copain est la forme dénasalisée (1838) de l’ancien et moyen français compain[2], déjà relevé après 1450 (Molinet) sous la forme coppin. La graphie actuelle s’impose définitivement au XXe siècle au détriment des formes compaing (1883) et compain (1919).
Le mot est un terme du registre familier désignant un bon camarade, avec une nuance affective qui le situe entre le simple camarade et l’ami. Il est parfois pris avec une idée péjorative de « complice » (les copains et les coquins)[3].
Amis porc la vie !
Cochon, lui, est d’origine obscure (1091). Il pourrait venir de l’onomatopée koš-kŏs (coch) exprimant le grognement de l’animal et le cri pour l’appeler[4].
Le mot, d’abord attesté comme nom propre, désigne seulement le jeune porc en ancien français (vers 1278. Il ne désigne le « porc adulte » qu’en 1611.
Le sens figuré de « personnage grossier, physiquement ou moralement » (fin XVIIe siècle) est surtout réalisé par des locutions comparatives du type … comme un cochon et pris en charge par l’adjectif cochon, -onne (1611) qui dénote à la fois la saleté physique…

… et un comportement sexuel réprouvé : par exemple cinéma cochon « pornographique »)[5].

La rencontre des deux termes se fait non pas à Miami (pas besoin d’être flic pour saisir cette blague lamentable) mais au XVIe siècle !
Copain comme cochon : jamais deux sans truie ?
L’expression apparaît d’abord sous la forme « camarades comme cochons » (XVIe siècle), comme en atteste le premier dictionnaire de l’Académie Française :
On dit proverbialement et bassement par raillerie de deux hommes qui sont fort familiers ensemble, qu’ils sont camarades comme cochons.
Dictionnaire de l’Académie Française, 1694
On la retrouve au XVIIIe sous la forme « amis comme cochons » et à partir du XIXe siècle sous la forme « copains comme cochons ». Mais pourquoi lier « amitié » et « cochonnerie » ? Il s’agirait d’un calembour avec DEUX origines possibles !

Le Littré explique que cochon pourrait emprunter à l’ancien français « soçon », (parfois altéré en « sochon »), qui signifie… « compagnon, camarade, associé ».
L’autre explication date du Moyen-Âge et met en lumières les soces. D’après le latin socius, le terme désigne une association entre plusieurs personnes pour la création d’un commerce. Il a d’ailleurs produit le mot société. Le soçon ou cochon serait alors une déformation de ce mot[6].
Dans tous les cas, l’expression désigne des personnes liées par une forte amitié, qui ont plaisir à être ensemble et qui s’amusent bien[7].
L’occasion pour nous de conclure sur une belle leçon de morale. Pour rester copain comme cochon, il est essentiel de ne pas prendre l’autre pour un jambon !
Hannibal LECTEUR, aime « deux flics ami-ami »
En bonus : en voilà un qui prend l’expression au pied de la lettre 🎥 Les Bronzés font du ski (1979)
Notes et références – Copain comme cochon
[1] C’était le 22 septembre 1994 sur NBC.
[2] Cf. compagnon.
[3] Il fournit (1895), comme petit ami, une désignation euphémistique d’« amoureux », « amant » mais par ailleurs, s’oppose à amoureux dans la locution en copain. Il est employé comme adjectif attribut après des verbes d’état (notamment dans être copain-copain).
[4] La proposition d’un étymon bas latin cutio, -onis « cloporte » fait difficulté des points de vue phonétique et sémantique, la dénomination du cloporte (cochon de Saint-Antoine) étant plus facilement issue de celle du porc que l’inverse (cf. cochenille).
[5] Cette valeur est assumée aussi par le nom, pour « personne très sale » et « personne salace, obscène, etc. », souvent en appellatif injurieux. Le féminin s’emploie plus souvent pour la saleté, le masculin avec les deux valeurs, distinguées par le contexte (petit cochon ! s’opposant à vieux cochon !). Dans ces emplois, cochon est en concurrence avec porc.
[6] D’ailleurs, dans l’argot, soce désigne également un associé, un ami ou le membre d’un groupe auquel on appartient. La boucle est bouclée.
[7] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.
Retrouvez notre précédent Décryptage → Jeudi, sorti de la cuisse de Jupiter !