Décryptage C'est pas un cadeau
Joyeux Noël sur O'Parleur !

Noël en décalé ~ C’est pas un cadeau

Décryptage de la semaine

C’est pas un cadeau ! Une expression qui reprend l’un des éléments de Noël… mais qui n’a aucun rapport avec l’événement ! C’est Noël en décalé et c’est chaque vendredi pendant les fêtes sur… Ho Ho Ho’Parleur !

 

L’étymologie, c’est pas un cadeau !

C’est un plaisir ! Commençons par une révélation surprenante : le sens premier de cadeau, c’est pas un cadeau ! Ce n’est même pas un jeu de mots (enfin si, un peu quand même…), c’est un fait !

Cadeau, nom masculin, est emprunté (1416) à l’ancien provençal capdel « personnage placé en tête, capitaine » (cf. cadet). Capdel vient lui-même du latin capitellum (XIIe siècle) qui signifie proprement « petite tête, extrémité ». Le terme a produit chapiteau, diminutif de caput pour « tête » (cf. chef).

Les linguistes estiment qu’en ancien provençal, le mot désignait déjà une grande initiale ornementale.  Il s’agit d’une lettre « décorée », comprenant souvent une tête de personnage, placée en tête d’un alinéa (cf. capitale). Et cela tombe plutôt bien.

 

Le Père Noël est une « ornure » !

En effet, le mot désigne d’abord une lettre capitale ornée (en concurrence avec lettre cadelée)[1]. Ce sens va produire de nombreux dérivés, en rapport avec la calligraphie :

  • D’où spécialement une lettre ornée de grands traits de plume pour décorer les écritures, remplir les marges, le haut et le bas des pages (1532) ;
  • Un trait de plume figuré que les maîtres d’écriture faisaient autour des exemples (1680) ;
  • Par analogie, il se disait aussi des formes que l’on trace distraitement sur les cendres ou le sable (1690) ;
  • Et, par figure, des enjolivures inutiles dans le discours d’un avocat, d’un auteur (1690).

Aucun rapport avec le cadeau classique tel que nous le connaissons aujourd’hui. Sauf que…

 

La capitale capitule et le cadeau est caduque

Un déplacement de sens fondamental se fait au cours du XVIIe siècle. Adieu, ornementation raffinée et luxueuse des lettres initiales ! Dès 1656, cadeau désigne en langue classique une fête galante avec musique et banquet, offerte à une dame. Mais Furetière décrit ce sens comme déjà « vieilli » en 1690.

Selon Ménage[2], qui ne signale pas le sens de « don », on passe des « paragraphes que font les Maîtres à écrire autour des exemples qu’ils donnent à leurs Écoliers » à faire des cadeaux : « faire des choses spécieuses mais inutiles ».

De là, par extension, le mot prend son sens actuel de « ce que l’on offre à quelqu’un en hommage, pour faire plaisir » (1669, cadeau nuptial). Cadeau entre ainsi en concurrence avec don et présent dans le langage usuel.

 

C’est pas un cadeau : le sens moderne (et non l’inverse)

Au XXe siècle, on forme plusieurs locutions sur la base de la locution fréquente faire (un) cadeau. Cela donne, vers 1930, la locution familière ne pas faire de cadeaux à quelqu’un pour « être dur avec lui, ne lui céder en rien ». Plus récente, la locution c’est pas un cadeau s’entend ironiquement d’une chose ou d’une personne difficile à supporter (1936, Céline : « c’est un joli cadeau »).

Par ailleurs, cadeau se banalise et entre dans le vocabulaire de la publicité, aussi en apposition (paquet cadeau, etc.)[3].

Pour conclure ce décryptage (et Noël en décalé 2020), un conseil avisé aux enfants : pour éviter toute gaffe, si vous voyez une grande silhouette bariolée, c’est pas un cadeau, mais sûrement un invité sur son 31 ! Pour une fois que ce n’est pas le sapin !

Joyeux Noël à toutes et à tous !

Hannibal LECTEUR

 

Le saviez-vous ? L’origine des cadeaux de Noël

A l’instar du sapin, les cadeaux de Noël trouvent leur origine dans les fêtes païennes. Notre histoire commence dans la Rome antique (tiens donc !). A cette époque, il y avait la tradition des étrennes dans la royauté romaine. Le terme vient du latin strenae, en lien avec les célébrations de Strenia, déesse de la santé. Les Romains s’offraient des branches de bois sacré, puis des fruits, en guise de bons présages.

La chrétienté a ensuite assimilé les fêtes païennes pour les faire siennes. Ainsi, au Moyen-Âge, les maîtres gratifient leurs servants d’un don. Parents et amis s’échangent de menus présents en guise de bon augure pour la nouvelle année. Cette tradition perdure jusqu’au début du XIXe siècle.

Ces dons concernent exclusivement les adultes. Les cadeaux à l’attention des enfants remontent plus spécifiquement aux fêtes liturgiques chrétiennes du Moyen Âge.  La plus populaire est la Nativité, ou fête de Noël, qui célèbre la naissance du Christ, dans la nuit du 24 au 25 décembre. La célébration du Jésus devient la fête des enfants. L’échange des cadeaux reproduit la présentation des offrandes des bergers et des mages à l’enfant Jésus.

Un « Père Noël » ou « Monseigneur Noël » est ainsi mentionné dès le Moyen Âge[4].

En parallèle, les pays rhénans et la Lorraine célèbrent, depuis la première moitié du XVIe siècle, un certain Saint Nicolas. A l’occasion de sa fête, dans la nuit du 5 au 6 décembre, il rend visite aux enfants. S’ils ont été sages, ils reçoivent des noix, des noisettes, des pommes ou encore des sujets en pain d’épice.

Quant à l’hégémonique Père Noël imposé par Coca-Cola, c’est une autre histoire ![5]

 

En bonus : c’est pas un cadeau, mais c’est culte ! (Le Père Noël est une ordure, l’échange des cadeaux)

 

Notes et références

[1] Depuis l’extinction de cadeler, verbe transitif, et cadelure, nom féminin, cadeau n’a produit aucun dérivé avec son sens moderne. Toutefois, on peut retenir le verbe tardif CADEAUTER (1844). Ce transitif signifie « gratifier quelqu’un de quelque chose ». Il est d’usage rare et familier en dehors de l’Afrique où il est normal et courant. On trouve également les variantes graphiques cadoter, cadotter chez Flaubert.

[2] Gilles MENAGE  (1613-1692), est un grammairien, historien et écrivain français. Il était d’une grande érudition et doté d’une mémoire phénoménale. Ce don lui permettait de citer couramment les auteurs grecs, latins italiens et français. Il s’est également essayé à de nombreux genres littéraires. Enfin, il fut le courtisan platonique de grandes intellectuelles de l’époque. D’après ses propres mots, il fut le « martyr » de Madame de Sévigné et le « mourant » de Madame de La Fayette… Même les plus grands grammairiens connaissent l’exagération !

[3] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.

[4] La romancière George Sand l’évoque dans un extrait célèbre de ses Souvenirs d’enfance (1855).

[5] Synthèse réalisée à partir de : Le cadeau de Noël – Une histoire bien emballée.

Retrouvez notre précédent Décryptage → Sentir le sapin