Décryptage de la semaine
O’Parleur profite du 14 juillet pour expliquer les fondations de la Bastille dans un feu d’artifice… linguistique !
Hasta la bastide
En préambule, votre serviteur vous propose une visite guidée de la… bastide ! Ce nom féminin (1305) vient de l’ancien provençal bastida[1], qui désigne :
- Un ouvrage de fortification (1212-1213) ;
- Une ville nouvellement bâtie, surtout en Gascogne et en Périgord sous la domination anglaise (1263) ;
- Et une cabane, une hutte (1276).
Le mot désigne d’abord une ville nouvellement bâtie, de plan régulier, en Gascogne et en Périgord. Il a aussi désigné une fortification (1360), une forteresse, un château fort (1374).
Par l’intermédiaire du sens de « hutte, cabane » (XIVe siècle), qui a disparu, il a développé le sens actuel de « petite maison de campagne », surtout en français du Sud-Est (1570)[2].
Mais quel rapport avec la Bastille ?
Prison Break
Vous l’avez deviné : bastille, nom féminin, dérive (par substitution de suffixe) de bastide. On emploie d’abord bassetille (1370), puis Bastille (vers 1400) comme terme d’architecture militaire. Le mot a spécialement servi à désigner (1476) le château fort commencé à Paris sous Charles V et qui a servi de prison d’État.

Initialement, la Bastille[3] était une bastide (châtelet à deux tours – la boucle est bouclée) de la porte Saint-Antoine, élevée en hâte de 1356 à 1358 pendant la prévôté d’Étienne Marcel.
Devenu le symbole de l’oppression et de l’arbitraire royal, la Bastille fut prise par les insurgés et détruite en 1789.

Par métaphore, le mot se dit (fin XVIIIe siècle) de ce qui constitue une prison, une limite morale ou intellectuelle pour l’homme.
La Bastille de nos jours
La prise de la Bastille est aujourd’hui considérée comme le symbole de la Révolution française, dont elle marque le commencement. Cependant, la fête nationale française[4] commémore simultanément la fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, qui coïncide avec le premier anniversaire de la prise de la Bastille.
Après la révolution, la consécration ! Outre ses dérivés[5], la Bastille a également inspiré sa chanson éponyme à Jacques Brel. La pop-culture n’est pas en reste, avec le jeu vidéo Assassin’s Creed Unity qui la place au cœur de sa vidéo promotionnelle en 2014.
L’œuvre fait même référence, dans ses fiches historiques, à un certain Tabarin. Qui a dit que le jeu vidéo ne pouvait pas nous instruire ? (Même s’il ne remplace pas les livres)
Au terme de ce décryptage, j’espère avoir fait des étincelles… sans mettre le feu aux poudres !
Hannibal LECTEUR, ne se met pas en pétard
En bonus : La Révolution Française, par Nota Bene (avec la Bastille mais pas uniquement !)
Notes et références – Bastille
[1] Ce mot, qui correspond au latin médiéval bastida (première moitié du XIIIe siècle), est le participe passé féminin substantivé de bastir (cf. bâtir).
[2] Profitons-en pour citer bastidon, nom masculin, « petite bastide, cabanon ». C’est un emprunt (1867) au provençal bastidoun dérivé de bastida. Le mot, d’usage régional, a pour synonyme bastidette, nom féminin (Giono, 1929). Voir aussi Bastingue.
[3] Ou « Bastille Saint-Antoine » ou encore « fort et bastide Saint Antoine lez Paris ».
[4] Instituée par la loi Raspail1 du 6 juillet 1880 (« La République adopte le 14 Juillet comme jour de fête nationale annuelle »)… qui ne mentionne pas quel est l’événement commémoré !
[5] Bastilleur, nom masculin, « celui qui embastille » (1795), s’est employé pendant la Révolution.
Bastillé, –ée, adjectif (1671) dérivé de bastiller, anciennement bateiller (XIIe siècle, bateillé « fortifié ») ; c’est un terme d’héraldique décrivant un meuble garni de créneaux renversés vers la pointe de l’écu ; il a servi sous la Révolution (1790) de synonyme à embastillé.
Le préfixé embastiller, verbe transitif (1429), d’abord « établir des troupes dans une bastille », sens disparu, a été reformé d’après emprisonné au sens d’« enfermer à la Bastille » (1717) puis en général « emprisonner » (1795).
Le substantif d’action correspondant, embastillement, nom masculin, est apparu pendant la Révolution (avant 1794). Un sens ultérieur, « action d’entourer la ville de fortification » (1838), n’a pas eu de succès. Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.
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