Mise en examen ~ Baccalauréat

Décryptage Baccalauréat

Décryptage de la semaine

O’Parleur commence ses révisions en s‘intéressant à l’origine du baccalauréat. Mais… n’est-ce pas un peu tôt ? Réponse dans un décryptage qui n’a pas eu son diplôme dans une pochette surprise !

 

École buissonnière ou baccalauréat champêtre ?

Le baccaloréat fait son concours d’entrée en français en 1680, avant de changer en baccalauréat en 1690. Le terme emprunte au latin tardif baccalaureatus « degré de bachelier donné dans les universités »[1]. Le mot résulte probablement du croisement entre bacchalariatus (1424) « grade inférieur dans le chœur des chanoines » et baccalaureus,[2]forme ayant donné bachelier.

À l’origine, le terme est très éloigné du domaine des études et des diplômes. En effet, bachelier (ou baccalarius) désigne, dans le sud de la France, un serf non pourvu d’une tenure[3] et vivant dans le ménage de ses parents (813)[4]. On l’emploie également pour qualifier un « gardien ou petit propriétaire de vaches ».

Décryptage Vache

Le mot évolue ensuite vers la signification de « jeune homme pourvu de quelques biens », avec un statut proche de l’écuyer. Il apparaît en français comme terme de féodalité, désignant (encore) un jeune homme aspirant cette fois à devenir chevalier.

Pour des prunes décryptage

Par extension, il désigne (toujours) un jeune homme mais noble cette fois (début XIIIe siècle)[5]. Cette acception est d’ailleurs passée en anglais dans bachelor pour « homme célibataire » (1386).

 

Le baccalauréat fait sa révolution

Les premiers baccalauréats apparaissent (sous forme latine) au sein de l’université de Paris au XIIIe siècle. Le mot désigne alors le premier degré donné dans les universités. Il concerne les sciences de théologie, médecine, droit civil et droit canon. Il se répand ensuite dans les autres universités de France et en Angleterre via l’université d’Oxford.

Nous devons son sens moderne, qui a entraîné l’évolution sémantique de bachelier[6], à Napoléon Ier.

Décryptage Baccalauréat

La Révolution française ayant supprimé les universités, il réorganise le baccalauréat pour les cinq disciplines (sciences, lettres, droit, médecine, théologie).

Il instaure l’Université impériale, qui organise le contrôle des compétences avec la création de trois grades universitaires : baccalauréat, licence et doctorat, conditions d’accès au métier d’enseignant. Le baccalauréat devient alors un grade universitaire d’État.

 

Histoire de Dates, le retour ?

Ceci est acté par le décret du 17 mars 1808. C’était il y a 215 ans jour pour jour. Notons que s’il voit le jour en 1808, le premier baccalauréat n’a lieu qu’en 1809. Sa première édition compte d’ailleurs un nombre « pléthorique » de… 31 bacheliers (30 bacheliers es lettres, 1 bachelier es lettres et es sciences).

Le baccalauréat tel que nous le connaissons de nos jours s’inspire en partie du modèle napoléonien. C’est le diplôme national sanctionnant la fin des études secondaires générales, technologiques ou professionnelles[7]. Quant à l’abréviation (par apocope) BAC, elle voit le jour en 1880, dans l’argot des lycéens[8].

 

De la couronne de lauriers au baccalauréat (et vice-versa)

Il n’a échappé à personne qu’une couronne de lauriers figure sur le diplôme du baccalauréat. Il s’agit d’une évolution de sens métaphorique que l’on doit au milieu universitaire. Cela remonte très certainement à l’époque où le clergé et la chevalerie s’opposaient, se disputant la suprématie sociale.

Décryptage Baccalauréat
Est-ce un bac à laurier ou un baccalauréat ? Vous avez deux heures ! (Source : Wikipédia)

Baccalarius devient alors baccalaureus, sous l’influence de laureare (« couronne de lauriers »). Outre le jeu de mots plaisant, la couronne de lauriers a toujours été un symbole de gratification. C’est en effet une parure que l’on avait l’habitude de poser sur la tête des plus méritants. Les docteurs se prêtaient aussi à cette coutume, parant le front des nouveaux bacheliers de baies de lauriers[9].

 

Quid de la bachelière ?

Avant de nous quitter, évoquons le parcours de la bachelière. « Ça va, c’est le féminin de bachelier… ». Oui mais pas que !

L’histoire est un peu plus complexe et intéressante. Bachelière apparaît plus tardivement que son homologue masculin. En 1461, il désigne une jeune fille noble. Pendant longtemps, il qualifie, dans les dialectes, la jeune fille qui accompagne la mariée en qualité de fille d’honneur le jour de la cérémonie du mariage (Ouest).

Il est repris au XVIIIe siècle pour désigner ironiquement une femme lettrée, une savante (Voltaire). D’ailleurs, par abréviation misogyne sur bachot (abréviation de baccalauréat ou de bac « bateau »), on emploie bachelière en argot du Quartier Latin. Il désigne alors une femme « juste assez savante pour conduire un bachot en Seine ». Charmant.

Ce n’est qu’au XIXe siècle (1867) que bachelière désigne une femme titulaire du baccalauréat[10].

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Julie-Victoire Daubié, la première candidate et titulaire du baccalauréat en 1861.

Mention passable en matière de parité !

Au terme de ce décryptage, vous n’aurez plus aucune excuse pour ne pas être reçu(e) avec mention !

Hannibal LECTEUR, ne se repose pas sur ses lauriers

 

En bonus : la machine à apprendre 🎥 Les Sous-doués (1980)

Mieux vaut éviter de se prendre une claque aux examens…

 

Notes et références – Baccalauréat

[1] Attesté dans le domaine anglais (vers 1522 et vers 1549), également sous la forme bacchilaureatus (vers 1592).

[2] Altération de baccalare, baccalaris.

[3] Terre accordée par un seigneur à des paysans.

[4] En Catalogne, le terme désigne un paysan sans aucune terre à sa charge (XIe siècle). On notera l’évolution du latin médiéval baccalarius en terre catalane. Au XIIe siècle, des baccalarii escortent un coursier sarrazin. En 1193, un baccalarius remplace un chevalier dans un duel judiciaire. Les baccalarii formaient donc un groupe social intermédiaire entre le chevalier et le paysan, d’où des valeurs analogues à celles de soudard (cf. soldat), « homme de mauvaise vie », « fripon » et non plus « vilain ».

En France aussi, baccalarius désigne un chevalier qui ne conduit pas de compagnons armés au combat (1050) et, par extension, un jeune homme noble (1223) puis un étudiant avancé (1252).

[5] Sens encore vivant chez La Fontaine.

 

[6] Au XIVe siècle, d’après le sens pris par baccalarius, le mot désigne celui qui, dans une faculté, est promu au premier des grades universitaires (XIVe siècle). Il a une signification spéciale dans le cadre des études de théologie.

[7] Il correspond au niveau international CITE/ISCED 3 et au niveau 4 de la nomenclature des niveaux de formation en France. Au Canada, le mot désigne le diplôme du premier cycle de certaines universités donnant accès au second cycle ou maîtrise. Dans le système universitaire de tradition anglo-saxonne, le baccalauréat est quant à lui devenu un grade sanctionnant généralement le premier cycle des études supérieures. Il correspond au niveau international CITE/ISCED 6 (licence française).

[8] Un peu désuet aujourd’hui, bachot voit le jour dans l’argot des écoles en 1856.

[9] Alciat, jurisconsulte italien mort en 1550, explique ce glissement de sens métaphorique avec  l’attraction de bacca laurea « baie de laurier ».  Cependant,  baccalaureus existe déjà depuis la première moitié du XVe siècle au sens de « jeune homme aspirant à être chevalier ».

[10] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.

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