Décryptage de la semaine
O’Parleur profite de la Fête du Travail pour avoir un poil dans la main. Explication dans un décryptage… au poil[1], forcément !
Cheveu revoir ma Normandie ♫
Poil, nom masculin, d’abord peil (1080) est issu du latin pilus qui signifie « poil » et « cheveu ». Le premier sens reste toutefois le plus fréquent. On distingue pilus de capilus (cf. cheveu), ce dernier étant plutôt un collectif alors que pilus désigne un poil, un cheveu isolé.
Le mot latin s’emploie, généralement avec une négation, comme en français dans pas un cheveu, il s’en faut d’un cheveu pour désigner une chose de peu d’importance. [2]
Dès les premiers textes, le mot s’emploie collectivement au singulier pour l’ensemble des poils humains, puis la « barbe » (1655) et la « chevelure » (sens aujourd’hui vieilli). Par analogie, il désigne aussi cette pilosité chez l’animal ainsi que le pelage (vers 1170, par exemple : d’un cheval).

Le sens particulier du latin « chaque petit filament apparaissant sur la peau (de l’homme ou de l’animal) » existe avant la fin du XIIe siècle (un poil).[3]
Et avoir un poil dans la main ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’origine de l’expression du jour n’est pas touffue. En effet, avoir un poil dans la main signifie « être paresseux » et apparaît en 1808[4]. C’est à peu près tout ce que l’on sait.

Nous avons quand même quelques informations complémentaires. Avoir un poil dans la main est une métaphore très claire : le fainéant a atteint un tel degrés de paresse qu’il a « miraculeusement » réussi à faire pousser un poil dans la paume de sa main.
Ironique quand on sait que les deux seules zones du corps humains qui ne comportent pas de poils sont la plante des pieds et… la paume des mains ! C’est bien, vous suivez.

Ce petit poil revêche à toute forme de travail s’avère finalement très productif. En effet, il a fait office de pionnier et a inspiré d’autres expressions surprenantes !
Ainsi, on peut dire d’une personne très (mais alors très) paresseuse qu’elle a…
- Un palmier dans la main…

- On passe un (gros) cran au-dessus avec un baobab dans la main…

- Ou encore une queue de vache dans la main !

Difficile de s’adonner au travail manuel dans ces conditions. Hélas, nous devrons malgré tout reprendre le chemin du bureau dès le 2 mai. En effet, chômer au motif d’avoir un poil dans la main, c’est un peu tiré par les cheveux !
Hannibal LECTEUR, poil aux mains !
En bonus : Je ne veux pas travailler ♫ Pink Martini (1997)
Avoir un poil dans la main – notes et références
[1] Expression datant du début du XXe siècle et signifiant « très bien ». Elle se comprend en partant de l’idée de « petite dimension », impliquant celle de « précision ». C’est ce que semble indiquer également son emploi en aviation dans atterrir au poil (1918), plutôt que l’idée de supériorité. En effet, l’ancienne locution avoir le poil de quelqu’un pour « le surpasser » n’était plus en usage quand « au poil » est apparu.
[2] Son origine est obscure : il n’y a pas de nom indoeuropéen pour cette notion. L’italien pela et l’espagnol pelo remontent au latin.
[3] De même pour le sens métonymique de « peau d’animal garnie de poil utilisée dans l’habillement » (vers 1190), généralement réalisé là où fourrure ne convient pas.
[4] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.
Retrouvez notre précédent Décryptage → Sauter du coq à l’âne