Décryptage Avoir les boules

Noël en décalé ~ Avoir les boules

Décryptage de la semaine

Avoir les boules ! Une expression qui reprend l’un des éléments de Noël… mais qui n’a aucun rapport avec l’événement ! C’est Noël en décalé et c’est chaque vendredi pendant les fêtes sur… Ho Ho Ho’Parleur !

Great boles of fire !

L’étymologie de boule repose sur la transmission orale et les onomatopées. La bole (vers 1175) vient d’une évolution orale du latin bulla, qui signifie « bulle d’air se formant à la surface de l’eau ». Bulla est un mot expressif évoquant une forme ronde, qui rappelle plusieurs mots dans d’autres langues et suggère une origine expressive, sinon onomatopéique[1]. On l’emploie par analogie à propos de tout objet en forme de bulle : objet sphérique, tête de clou, bouton, puis sceau de métal[2].

Le mot a également été employé au figuré pour exprimer une quantité minime négligeable, dans la tournure négative mie une bole, pour « pas une bulle », soit : « pas la moindre chose » (1258)[3].

Let it bille !

La bole devient la boule (1330-1332) et prend le sens général de « forme sphérique » et par métonymie d’ « objet sphérique ». Ce sens couvre aujourd’hui tout le sémantisme du mot. Il existe avec de nombreux emplois particuliers, seul ou en emploi déterminé (exemple de circonstance : boule de neige).

Dès l’ancien français, le mot désigne spécialement une sphère de bois ou de métal utilisée par les joueurs de divers jeux. Par métonymie, boule désigne le jeu lui-même[4].

Par ailleurs, une boule blanche ou noire évoque les boules utilisées dans les tirages au sort.

Coup de folie !

En 1798, boule devient une dénomination métaphorique familière de la tête. Il prend un sens abstrait d’intelligence/raison avec la locution perdre la boule (1819). Concrètement, coup de boule se dit d’un coup porté avec le crâne. Au sens concret, le mot entre aussi dans les expressions boule puante (1890), boule de neige, etc.

Et avoir les boules ?

D’après son application ancienne à un organe naturel, le pluriel boules a pris récemment le sens de glandes[5]. On le retrouve dans la locution familière avoir les boules : « en avoir assez, être énervé ». Son origine précise n’est pas connue. Il apparaît au début des années 1980 chez les enfants en milieu scolaire. Quiconque a effectué sa scolarité à l’époque a certainement entendu cette fine touche non pas de PhilO’ mais de poésie :

« T’as les boules, t’as les glandes, t’as les crottes de nez qui pendent ! »

On retrouve aussi le pluriel comme exclamation (les boules !). Il y a une influence possible de être en boule, qui se dit d’abord d’un animal roulé sur lui-même pour se protéger. L’expression se retrouve ensuite au figuré (se mettre en boule) pour « en colère »[6].

Pour conclure ce décryptage, un conseil avisé aux enfants : si vous souhaitez passer un bon Noël, le seul qui doit avoir les boules, c’est le sapin !

Hannibal LECTEUR

Le saviez-vous ? L’origine de la boule de Noël

Au XVIe siècle, les allemands décoraient les sapins de Noël avec des fleurs et des fruits, notamment des pommes. Ce n’est qu’au XIXe siècle qu’apparaît l’ancêtre de la boule de Noël. Il s’agit de la Kugel, une boule de verre soufflé décorative. Utilisée à l’origine pour repérer les mauvais esprits, elle rejoint les autres décorations de Noël en 1830.

Les premières boules de Noël ont un aspect brillant car elles sont en verre mercuré. Il s’agit d’un verre soufflé recouvert à l’intérieur de nitrate d’argent ou de mercure. La production de boules à grand échelle commence en 1867.

En France, les boules en verre apparaissent suite à la sécheresse de 1858, qui entraîne une pénurie (alimentaire et décorative) de pommes et de fruits. C’est l’usine Vergo qui démocratisera la boule de Noël en France fin XIXe siècle. Vous connaissez la suite[7].

En bonus : avoir les boules, c’est triste ! Avoir le blues de Noël, c’est mieux ! The Christmas Blues, de Dean Martin.

Vous aurez également quelques surprises en cliquant sur les titres de l’article…

Notes et références


[1] En bande-dessinée, quand un personnage se noie et fait des bulles, il s‘exclame : « blblbl ».

[2] La notion de protubérance ronde, d’abord réalisée dans l’ancien sens de massue, disparue en moyen français, et dans celle de « bulle d’un sceau » (1294) supplantée par bulle, s’est effacée avant le XVIe siècle.

[3] Cf. pas, point, mie

[4] De nos jours et depuis le XVIIIe siècle (1763), la boule désigne un jeu de hasard voisin de la roulette. Les boules désignent un jeu de plein air très populaire dont les règles ont évolué au cours des siècles. Il était à la mode au XVIIe siècle pour se fixer au XXe siècle. Dans ce sens, boule a produit quelques dérivés (bouliste, etc.). Au singulier, on dit la boule lyonnaise, le jeu ayant plusieurs variétés régionales. Pour ne citer que la plus célèbre : la pétanque, variante méridionale qui s’est répandue dans l’usage général.

[5] Glande, « organe dont la fonction est de produire une sécrétion, prend (vers 1560) le sens spécial de « ganglion lymphatique » et par extension « inflammation de ces ganglions ». De là, dans l’usage familier récent, avoir les glandes (ou avoir les boules) : être contrarié, ou dégoûté (de quelque chose).

[6] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.

[7] Plus d’informations sur l’origine des boules de Noël ici.

Retrouvez notre précédent Décryptage → Se faire enguirlander