Décryptage de la semaine
15h00 : l’heure idéale pour un apéritif ! Le mot a fait le « buzz » la semaine dernière (dans la catégorie « orgueil et préjugés »). Aussi, il nous a paru intéressant de revenir sur son origine. Installez-vous confortablement et savourez un décryptage sans polémique ni gueule de bois.
Si j’aurais suze, j’aurais pas v’nu !
C’est bien connu : sans alcool, la fête est plus folle. Et sans étymologie, le décryptage est moins joli ! D’autant plus qu’apéritif a une origine surprenante. En effet, il s’agit… d’un terme de médecine ancien (XIIIe siècle). Emprunté au bas latin aperitivus, il dérive du verbe aperire qui a donné ouvrir.
Le mot qualifie d’abord les médicaments qui « ouvrent » les voies d’élimination, c’est-à-dire les sudorifiques, diurétiques, purgatifs[1]. Il conserve le sens substantivé pour « médicament qui ouvre les pores » (1751). Toutefois, il vieillit et disparaît dans la première moitié du XIXe siècle.
Quand l’appétit va, tout va !
Un exemple de 1750, concernant le poivre, relève plutôt de l’acception ancienne, même si ces médicaments ou substances sont reconnus « ouvrir l’appétit ». Après 1850, apéritif développe une autre valeur, correspondant à « qui stimule, ouvre l’appétit ».
Au cours du XIXe siècle, l’adjectif se substantive à nouveau. Il désigne cette fois, au masculin, une boisson alcoolisée prise avant le repas :
« Les deux jeunes gens étaient assis devant un grand café du boulevard et buvaient des liqueurs mélangées d’eau, ces apéritifs qui ont l’air d’infusions faites avec toutes les nuances d’une boîte d’aquarelle. »
Guy de Maupassant, Les épingles, 1888.
Il s’agit d’une désignation quelque peu publicitaire et pseudo-médicale. Désignation qui doit son succès aux mœurs françaises et à la convivialité. Courant, le mot donne lieu à une métonymie : « réunion où l’on boit des apéritifs » (cf. un vin d’honneur, etc.).
L’abréviation Apéro, nom masculin, apparaît début XXe siècle et est très usuelle. Cependant, elle ne prend guère de valeur métonymique. Ainsi, on boit l’apéro, mais on est invité à un apéritif.[2]
L’apéritif aujourd’hui
Dès 1786, nos voisins italiens avaient coutume de boire un apéritif avant le repas dans la ville de Turin. Et ce n’est pas un hasard car c’est à Turin qu’Antonio Benedetto Carpano inventa le vermouth.
En France, l’apéritif a été popularisé par le chimiste Joseph Dubonnet et son épouse en 1846. Il a créé une boisson à base de vin et de quinine, rehaussée d’épices, pour lutter contre le paludisme. Son épouse l’a servie à ses convives lors de réceptions. Le bouche à oreilles et les vertus « marketing » de la boisson ont fait le reste.
La coutume de l’apéritif se répandit en Europe au XIXe siècle, puis aux Amériques au début du XXe siècle.
Aujourd’hui, il se déguste seul ou accompagné d’amuse-gueules. Ces derniers varient : du légume au toast, en passant par les petits biscuits salés… La fantaisie et l’inventivité sont la seule limite.
Pour conclure ce décryptage, rappelons à notre aimable lectorat que l’alcool se consomme avec modération. Mais vous n’êtes pas non plus obligés d’inclure des spiritueux dans vos mélanges. Un apéritif sans alcool ? Non mais « à l’eau », quoi !
Hannibal LECTEUR, aime autant l’opéra que l’apéro
En bonus : une leçon de mathématiques… et une recette d’apéritif culte ! (Le Mandarin-citron, Marius (1931) – Marcel Pagnol)
Notes et références
[1] Respectivement : qui provoque la transpiration, qui entraîne une augmentation de la sécrétion urinaire et qui produit un effet laxatif.
[2] Source : LE ROBERT, Dictionnaire historique de la langue française.
Retrouvez notre précédent Décryptage → La galette des rois